Un nouveau cadre légal a récemment été créé pour l'octroi de crédits aux PME. Les mesures visent un équilibre et une transparence accrus entre le prêteur et l'emprunteur et entendent stimuler l'accès au crédit. Un code de conduite d'Unizo, de l'UCM et de Febelfin, rendu obligatoire par AR, précise toutes les dispositions de la nouvelle loi.
Les PME ont difficilement accès au financement bancaire. La loi du 21 décembre 2013 relative au financement des petites et moyennes entreprises, publiée au Moniteur belge le 31 décembre 2013 (la "Loi"), tente d'y remédier par l'introduction d'une série de mesures concrètes de protection de la PME.
Les organisations représentatives ont été chargées d'élaborer les modalités pratiques de la Loi dans un code de conduite. Unizo, l'UCM et Febelfin se sont rapidement attelées à la tâche et ont signé le code de conduite le 16 janvier 2014 (le "Code de conduite"). Le Code de conduite a obtenu force obligatoire suite à l’Arrêté Royal du 27 février 2014 (MB 4 mars 2014, deuxième édition).
Champ d'application
La Loi s'applique aux crédits aux entreprises conclus entre un prêteur professionnel et une entreprise. Par exemple, un prêt, une ouverture de crédit ou un crédit de caisse. Les prêts intra-groupe, les activités de factoring ou de leasing, le crédit à la consommation ou le crédit hypothécaire ne sont pas visés.
Seul le prêteur qui octroie des crédits dans le cadre de ses activités "habituelles" tombe sous le coup de la Loi. Les banques sont donc concernées en premier lieu. Cependant, d'autres donneurs de crédit "habituels" peuvent également tomber sous le coup de la loi. On songe par exemple aux acteurs private equity. Un octroi de crédit unique (par exemple, dans le cadre d'un prêt d'actionnaire subordonné ou d'un vendor loan) n'est par conséquent pas visé. Il ne suffit donc pas que les statuts mentionnent que l'octroi de crédits fait partie de l'objet social.
La Loi ne s'applique qu'à l'octroi de crédits aux petites et moyennes entreprises ("PME"). On entend par là tant les entrepreneurs que les professions libérales. Au moment de la demande du crédit, la PME doit remplir les critères visés à l'article 15, § premier du Code des sociétés. Cela signifie que l'entreprise ne peut pas dépasser plus d'une des limites suivantes pour le dernier et l'avant-dernier exercice clôturé:
- nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle: 50,
- chiffre d'affaires annuel, hors TVA: 7.300.000 EUR, et
- total du bilan: 3.650.000 EUR.
Si le nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle, dépasse 100, l'entreprise n'est pas une PME et ne tombe pas sous le champ d'application de la Loi.
Par souci d'exhaustivité, il est souligné que les intermédiaires de crédit tombent également sous le champ d'application de la Loi.
La Loi impose certaines obligations tant au prêteur qu'à la PME (dans une moindre mesure).
Devoir de rigueur
Tant le prêteur que la PME doivent se comporter de manière consciencieuse, de bonne foi et équitablement. Cette obligation porte sur la phase précontractuelle et contractuelle.
Devoir d'information
Devoir d'information actif - Le prêteur doit demander les renseignements pertinents nécessaires afin d'apprécier la faisabilité du projet proposé, la situation financière, les capacités de remboursement et les engagements financiers en cours de la PME. Les renseignements doivent être demandés lors de la demande de crédit et, en tout état de cause, avant l'offre de crédit. Les mêmes renseignements doivent être demandés à la personne qui constitue une sûreté personnelle.
Le Code de conduite décrit les informations minimales à demander, dont:
- une description de l'activité,
- les résultats financiers actuels (intermédiaires et détaillés) et le plan financier,
- l'objectif du crédit,
- les informations disponibles sur les relations de crédit entre l'entreprise et le prêteur,
- les sûretés personnelles et réelles existantes et les actifs disponibles pour constitution de sûretés,
- les éventuels financements en cours au niveau de l'entreprise et du groupe,
- les éventuels negative pledges et autres engagements susceptibles d'influencer la relation de crédit.
Obligation de "suitability" - Le prêteur doit toujours rechercher le type de crédit le mieux adapté aux besoins de la PME. En cas de non-respect de cette obligation, le juge peut ordonner la conversion sans frais du crédit en une forme de crédit mieux adaptée.
Fourniture d'information - L' information visée doit permettre à la PME d'apprécier le crédit proposé.
- Lors de la demande de crédit, la PME doit recevoir une notice explicative adéquate énumérant notamment les caractéristiques les plus importantes du crédit proposé. Le contenu et la forme sont précisés par le Code de conduite.
- La PME a le droit de recevoir, sans frais et à sa première demande, un exemplaire du projet de la convention de crédit. Un document d'information succinct, dont le contenu est repris dans le Code de conduite, y est annexé.
Refus d'octroi d'un crédit
Les motifs essentiels du refus doivent être communiqués à la PME. Le Code de conduite précise le contenu des motifs à communiquer, dont (suivant la situation):
- information et documentation insuffisante concernant la situation financière de l'entreprise, le projet et les chances de réussite et la capacité de remboursement,
- informations négatives dans la Centrale des Crédits aux Entreprises ou auprès d'un fournisseur d'informations commerciales,
- insuffisance de sûretés (personnelles ou réelles) disponibles, d'apport propre dans le projet et/ou fonds propres insuffisants,
- retard de paiement,
- gestion et administration de l'entreprise,
- le crédit envisagé ne cadre pas avec la politique du prêteur.
La PME a ainsi la possibilité d'adapter son dossier de crédit ou de rechercher un autre partenaire financier. Le Code de conduite précise également que le prêteur peut se limiter, dans un premier temps, à une communication orale. À la demande expresse de la PME au plus tard six mois après la demande de crédit, le prêteur est tenu de fournir une motivation écrite.
Remboursement anticipé
La PME peut toujours rembourser le crédit en tout ou en partie par anticipation, moyennant une lettre recommandée adressée au prêteur au moins dix jours ouvrables avant le remboursement. Le prêteur peut seulement imputer une indemnité de remploi (voir ci-après) et n'est pas autorisé à imposer des conditions supplémentaires. Toute clause imposant une indemnité supplémentaire est nulle de plein droit.
Indemnité de remploi
Les conventions de crédit prévoient fréquemment des indemnités de remploi.
Pour les prêts à intérêt, l'article 1907bis du Code civil prévoit déjà depuis longtemps un régime légal qui reste pleinement applicable.
Pour les autres formes de crédit, la Loi limite aussi à présent le montant de l'indemnité de remploi, en établissant la distinction suivante selon le montant du crédit:
- Les crédits ne dépassant pas 1 million EUR sont soumis au même régime que les prêts à intérêt. L'indemnité de remploi est limitée à six mois d'intérêts, calculés sur la somme remboursée et au taux stipulé.
- Pour les crédits de plus de 1 million EUR, le montant de l'indemnité de remploi est établi contractuellement entre le prêteur et la PME, étant entendu qu'il doit être tenu compte des modalités de calcul transparentes énoncées dans le Code de conduite.
Les clauses de remploi contraires ne sont pas prises en considération. Le juge appliquera alors l'indemnité maximale légalement prévue (six mois d'intérêts) ou, pour les crédits de plus de 1 million EUR, fixera l'indemnité en équité.
Clauses abusives
La Loi décrit de façon limitative les clauses abusives entraînant un déséquilibre dans la relation entre le prêteur et la PME. Par exemple, si la PME respecte ses obligations, une résiliation unilatérale par le prêteur n'est possible que moyennant des dommages-intérêts ou un délai de préavis. Les clauses contraires sont nulles.
Contrôle par la FSMA
La FSMA veille au respect de la Loi et dispose dans ce cadre d'un certain nombre de compétences. Les prêteurs doivent mettre en place des politiques et des procédures adéquates et doivent appliquer en la matière les dispositions organisationnelles et administratives nécessaires permettant d'assurer le respect de la Loi.
Dispositions transitoires et entrée en vigueur
La Loi s'applique aux contrats de crédit conclus à partir de la date de son entrée en vigueur. Les conventions de crédit existantes ne doivent pas être adaptées à la Loi.
La plupart des dispositions de la Loi sont entrées en vigueur dix jours après sa publication; à la date de la publication de cette contribution, tous les articles de la Loi sont en vigueur.
L'entrée en vigueur du Code de conduite et la date de celle-ci seront fixées par arrêté royal.
L’Arrêté Royal du 27 février 2014 a conféré une force obligatoire au Code de conduite. Celui-ci est entré en vigueur le premier mars 2014.