La loi-programme du 25 décembre 2017 introduit la prime bénéficiaire par le biais d'une modification de la loi du 22 mai 2001 relative aux régimes de participation des travailleurs au capital et aux bénéfices des sociétés. Les employeurs peuvent désormais verser (une partie) de leur bénéfice à leurs travailleurs. La prime bénéficiaire bénéficie d'un régime fiscal et social avantageux.
Contexte
La participation des travailleurs a été introduite par la loi du 22 mai 2001 relative aux régimes de participation des travailleurs au capital et aux bénéfices des sociétés. Cette loi laissait la possibilité aux employeurs de créer un plan de participation sur la base duquel les travailleurs pouvaient participer soit au capital, soit au bénéfice de la société, et ceci dans le cadre d'un régime (para)fiscal avantageux. La participation au bénéfice a connu peu de succès dans la pratique, probablement en raison des lourdes formalités et de la condition que la participation au bénéfice soit identique pour tous les travailleurs (aucune différenciation autorisée).
La loi-programme du 25 décembre 2017 modifie ce régime. La participation au capital demeure pratiquement inchangée. La participation au bénéfice est à l'inverse remplacée par la prime bénéficiaire: le mode d'insertion est simplifié, la différenciation entre les catégories de travailleurs devient possible et le taux fiscal applicable est encore abaissé.
Conditions
La prime bénéficiaire permet aux employeurs de verser (une partie) de leur bénéfice à leurs travailleurs à un régime (para)fiscal particulier et avantageux. Au contraire de la participation au capital, les travailleurs n'obtiennent pas de droit de vote dans l'entreprise suite à l'octroi d'une prime bénéficiaire.
La règle reste que la prime bénéficiaire doit être octroyée à tous les travailleurs. Il existe une exception à cette règle : l'employeur peut lier l'octroi de la prime bénéficiaire à une condition d'ancienneté d'un an maximum.
Les employeurs ont désormais le choix entre une prime bénéficiaire identique ou catégorisée:
- Prime bénéficiaire identique: le montant de la prime bénéficiaire est le même pour tous les travailleurs ou correspond à un pourcentage équivalent de la rémunération pour tous les travailleurs.
- Prime bénéficiaire catégorisée: la prime bénéficiaire varie en fonction de la catégorie de travailleurs, et son montant dépend d'une clé de répartition sur la base de critères objectifs tels que la fonction, l'ancienneté, etc. La différenciation individuelle n'est toutefois pas possible.
En outre, l'introduction de la prime bénéficiaire est encore liée aux conditions suivantes :
- Le montant total des primes bénéficiaires octroyées peut au maximum s'élever à 30% de la masse salariale brute totale par année comptable.
- La prime bénéficiaire doit constituer un avantage complémentaire. En d'autres mots, elle ne peut pas être introduite en remplacement ou conversion d'un élément salarial (rémunération, primes, avantages en nature ou généralement quelconques, ou des compléments à tout ce qui précède) prévus dans des conventions individuelles ou collectives, qu'il soit assujetti ou non aux cotisations à la sécurité sociale. Il est à l'inverse possible de ne pas renouveler ou prolonger un plan bonus valable pour un an uniquement et d'octroyer une prime bénéficiaire.
Instauration
Les règles relatives à la prime bénéficiaire sont entrées en vigueur le 1er janvier 2018. Les primes bénéficiaires peuvent toutefois uniquement être octroyées sur la base du bénéfice d'une année comptable clôturée au plus tôt le 30 septembre 2017.
L'initiative d'octroyer une prime bénéficiaire émane d'une décision unilatérale de l'employeur. L'octroi de la prime bénéficiaire ne constitue toutefois, quel que soit le mode d'instauration, pas un droit acquis. L'employeur doit donc prendre la décision d'instauration d'une prime bénéficiaire annuellement.
La manière dont la prime bénéficiaire peut être instaurée varie selon qu'il s'agisse d'une prime bénéficiaire identique ou catégorisées:
- La prime bénéficiaire identique est instaurée par décision de l'assemblée générale. Le procès-verbal de l'assemblée générale doit contenir un certain nombre de mentions légalement obligatoires. Les travailleurs sont ensuite informés par écrit de la décision d'octroi de la prime bénéficiaire.
- La prime bénéficiaire catégorisée est instaurée par convention collective de travail. Lorsqu'il n'existe pas de délégation syndicale au sein de l'entreprise, la prime bénéficiaire catégorisée peut également être octroyée par le biais d'un acte d'adhésion. Les modalités particulières reprises dans le Chapitre II de la loi du 22 mai 2001 (notamment des obligations d'information et de consultation) doivent être respectées.
Les petites sociétés (ce sont les sociétés qui ne dépassent pas l'une des limites suivantes sur base annuelle: un effectif moyen de 50 travailleurs, un chiffre d'affaires annuel (hors TVA) de 9.000.000 euros et un total du bilan de 4.500.000 euros) peuvent octroyer une prime bénéficiaire dans le cadre d'un plan d'investissement, dans lequel les travailleurs mettent la prime bénéficiaire à disposition de la société sous la forme d'un prêt non subordonné. La durée de ce prêt doit être entre 2 et 5 ans.
Régime avantageux: traitement fiscal et social
L'employeur doit procéder à une retenue fiscale libératoire à charge du travailleur sur la prime bénéficiaire. Le taux d'imposition s'élève à 15% pour les primes bénéficiaires dans le cadre d'un plan d'épargne d'investissement et 7% pour les autres primes bénéficiaires. La prime bénéficiaire constitue une dépense non admise dans le chef de l'employeur.
A condition que les conditions ci-dessus soient remplies, l'ONSS ne considère pas la prime bénéficiaire comme de la rémunération (par conséquent, les cotisations ONSS normales (les cotisations patronales (25%) et les cotisations personnelles (13,07%)) ne sont pas dues). Toutefois, une cotisation de solidarité de 13,07% est due à l'ONSS à titre de cotisation personnelle (retenue à effectuer par l'employeur sur la prime bénéficiaire). Aucune cotisation patronale n'est due.
Exemple comparant un bonus ordinaire et une prime bénéficiaire
Bonus ordinaire | Prime bénéficiaire |
Prime bénéficiaire dans |
|
---|---|---|---|
Bonus brut | 1.000,00 EUR | 1.000,00 EUR | 1.000,00 EUR |
Cotisations ONSS personnelles | 130,70 EUR | 130,70 EUR | 130,70 EUR |
Imposition à charge du travailleur | 391,19 EUR* | 60,85 EUR | 130,40 EUR |
Bonus brut | 478,11 EUR | 808,45 EUR | 738,90 EUR |
Cotisations ONSS patronales | 250,00 EUR** | 0 EUR | 0 EUR |
Dépenses non admises*** | 0 EUR | 295,80 EUR | 295,80 EUR |
Coût total employeur | 1.250,00 EUR | 1.295,80 EUR | 1.295,80 EUR |
Ratio coût/net | 2,61 | 1,60 | 1,75 |
* Dans l'hypothèse d'un précompte professionnel de 45%
** Dans l'hypothèse d'un taux de base de 25%
*** Dans l'hypothèse d'un taux d'imposition des sociétés standard de 29,58%
Régime avantageux: droit du travail
La prime bénéficiaire ne doit pas être prise en considération pour le calcul du pécule de vacances et de l'indemnité de préavis.
La prime bénéficiaire ne doit en outre pas être prise en compte pour la modération salariale (la marge maximale pour l'évolution du coût salarial d'une année donnée).
La prime bénéficiaire peut être cumulée avec un avantage non récurrent lié aux résultats sur la base de la CCT n° 90.
Conclusion
La prime bénéficiaire forme un moyen flexible et avantageux d'un point de vue (para)fiscal pour accorder une récompense supplémentaire aux travailleurs. La décision d'octroi de la prime bénéficiaire est prise annuellement, sans qu'aucun droit pour le futur ne naisse. La prime bénéficiaire ne doit pas être identique pour tous les travailleurs, mais peut être catégorisée. Il est probable que cette nouvelle forme de rémunération connaisse plus de succès que la participation bénéficiaire antérieure et même que l'avantage non récurrent lié aux résultats sur la base de la CCT n° 90.