La pension libre complémentaire a une grande importance pour les employeurs ayant un ou plusieurs travailleurs qui n'ont pas d'engagement de pension complémentaire, ou seulement de manière limitée, et pour ces travailleurs. Cela vaut tout d'abord pour l'entreprise privée ayant des travailleurs qui ne tombent sous aucun régime de pension d'entreprise ou sectorielle, ou seulement de manière limitée. Cela vaut également pour les employeurs du secteur public où les membres du personnel contractuel ne pouvaient traditionnellement pas se prévaloir de la constitution d'une pension complémentaire.
La loi du 6 décembre 2018 instaurant une pension libre complémentaire pour les travailleurs salariés (« PLCT ») offre maintenant à ces travailleurs la possibilité de constituer une pension du second pilier, à tout le moins s'ils le souhaitent. L'employeur peut, s'il le souhaite, faciliter cette constitution sans encourir les obligations normalement liées à la constitution et au financement d'une pension complémentaire via une assurance-groupe ou une IRP (institution de retraite professionnelle ou fonds de pension).
De quelle pension complémentaire s'agit-il ?
La PLCT est une pension en complément à la pension légale. Elle est constituée sur la base des cotisations versées par le travailleur conformément à une convention de pension qu'il a conclue individuellement avec un organisme de pension. Elle est basée sur la capitalisation. Il peut s'agir d'une pension de retraite et/ou d'une pension de survie (avant ou après l'âge de la retraite), qui est versée en rente ou en capital. Tout cela est réglé dans la convention individuelle de pension.
A partir de quand ?
La loi du 6 décembre 2018 entrera en vigueur le 27 mars 2019. Le travailleur pourra donc à partir de cette date conclure une convention de pension qui entrera en vigueur immédiatement. Il pourra bénéficier pour la première fois du régime fiscal de faveur à partir de l'exercice d'imposition 2020, pour les cotisations versées en 2019.
Pour qui ?
Pour chaque travailleur salarié occupé sous contrat de travail. Ni la nature ni la durée du contrat de travail n'est importante à cet égard. Les membres du personnel statutaire ne peuvent bénéficier de la PLCT.
Comment cela fonctionne-t-il ?
La PLCT fonctionne selon une logique tout à fait différente des pensions complémentaires mises en place par l'employeur. Dans le cadre de la PLCT, l'initiative revient en effet entièrement au travailleur. Le travailleur choisit individuellement et librement s'il veut se constituer une pension complémentaire. A cette fin, il conclut une convention de pension avec un organisme de pension (assurance-groupe ou une IRP). L'employeur n'est pas partie à cette convention.
Le travailleur choisit lui-même pour chaque année de constitution la cotisation qu'il souhaite payer, dans le respect de certaines limites. Le travailleur décide lui-même lorsqu'il souhaite cesser de constituer sa PLCT.
Le travailleur peut suivre lui-même la constitution de sa PLCT via le site mypension.be dans la section relative aux pensions complémentaires (du deuxième pilier).
Le travailleur peut à tout moment mettre fin à la convention de pension avec un organisme de pension et conclure une nouvelle convention avec un autre organisme de pension, avec ou sans transfert des réserves.
Qui supporte la charge de la cotisation ?
C'est le travailleur qui supporte la charge de la cotisation. L'employeur doit retenir la cotisation du travailleur sur la rémunération (nette) du travailleur et la reverser à l'organisme de pension.
A combien s'élève la cotisation ?
Le travailleur choisit lui-même combien il cotise. Il doit pour ce faire tenir compte d'un maximum défini par la loi. L'idée sous-jacente est que la PLCT donne à chaque travailleur la chance (supplémentaire) de constituer une pension complémentaire sur base de cotisations de maximum 3% de la rémunération. Lorsqu'un travailleur opte pour une PLCT, il peut cotiser à hauteur de minimum 1600 euro (980 euro, indexé) pour 2019.
Ainsi la cotisation maximale pour un travailleur ayant une rémunération de 100.000 euro s'élèvera-t-elle à 3.000 euro (3% de 100.000) ; pour un travailleur avec une rémunération de 30.000 euro la cotisation s'élève à un maximum de 1.600 euro (dès lors que les 3% sont moins élevés que le montant minimum de 1.600 euro).
La rémunération de référence sur laquelle est basée le calcul est la rémunération brute totale perçue par le travailleur au cours de l'année N-2, ce qui signifie que la rémunération brute de 2017 sera prise en compte pour une cotisation de pension en 2019 (année N). Attention, seule compte la rémunération brute qui a été soumise à des cotisations sociales. Il s'agit de la rémunération brute telle que reprise sur le compte individuel du travailleur.
La loi n'autorise aucun « backservice » pour d'éventuelles années de carrière (antérieures) au cours desquelles aucune pension complémentaire ou seulement une pension complémentaire limitée a été constituée.
A combien s'élève la cotisation si le travailleur bénéficie déjà d'un engagement de pension complémentaire ?
Les 3% sont une cotisation maximale. Si le travailleur bénéficie déjà d'un ou plusieurs engagements de pension complémentaire du deuxième pilier (donc d'une pension complémentaire au niveau de l'employeur ou du secteur), la pension ainsi constituée doit être déduite du montant maximal de cotisation. La loi prescrit la façon dont le calcul doit être effectué.
Ainsi pour 2019 (année N), la cotisation maximale sera égale à 3% de la rémunération brute de 2017 (N-2), moins l'augmentation des réserves de pension dans les engagements de pension complémentaire existants en 2017. Cette augmentation en 2017 est calculée en évaluant la différence entre (1) les réserves au 1er janvier 2018 (N-1) et (2) les réserves au 1er janvier 2017 (N-2), ces dernières étant capitalisées à un taux d'intérêt spécifique (le taux d'intérêt moyen des OLO sur 10 ans de la période N-6 à N-1, estimé à 1,12%).
Le travailleur peut retrouver les montants des réserves sur mypension.be. L'organisme de pension effectuera probablement le calcul pour le travailleur.
Seules les pensions du deuxième pilier comptent pour la limite des 3% ; les pensions du troisième pilier telles que l'épargne-pension ou l'épargne à long terme, ne sont pas déduites.
Quelles charges fiscales et parafiscales sur les cotisations ?
Les cotisations sont soumises à une taxe d'assurance de 4,4 % et donnent lieu à une réduction de 30% à l'impôt des personnes physiques (dans le respect de la règle des 80%). La réduction d'impôt doit être prise en compte dans le calcul du précompte professionnel.
Les cotisations ne sont pas soumises à la contribution spéciale de 8,86%. En effet, il ne s'agit pas de cotisations patronales.
Quelles sont les obligations de l'employeur ?
La seule obligation pour l'employeur consiste, lorsqu'un travailleur l'informe qu'il prend part à la PLCT, à retenir la cotisation de la rémunération nette et la transmettre à l'organisme de pension qui lui a été désigné par le travailleur. Le travailleur doit donc informer l'employeur de la retenue et de tout ajustement éventuel ou de la fin de celle-ci, au plus tard deux mois avant sa mise en œuvre. Le travailleur peut apporter des modifications au maximum deux fois par an.
L'employeur ne prend donc pas lui-même d'engagement de pension et n'est donc pas l'organisateur juridique de la pension complémentaire. L'employeur n'est pas soumis aux obligations imposées par la Loi sur les Pensions Complémentaires, qui, pour éviter tout doute, n'est pas d'application ici. Donc pas de règlement de pension, pas de garantie de rendement, pas d'obligation d'information ou de consultation, ...
Que peut faire l'employeur pour faciliter la PLCT ?
L'employeur a la possibilité, mais pas l'obligation, de conclure un accord-cadre avec un organisme de pension. Les travailleurs peuvent alors constituer leur PLCT en concluant une convention de pension avec cet organisme de pension, mais ils n'y sont pas obligés. Pourquoi le feraient-ils ? L'employeur pourrait par exemple convenir dans cet accord-cadre d'un certain régime de faveur relatif au rendement ou aux les frais de gestion facturés.
Quand sera payée la pension complémentaire ?
Lorsque le travailleur prend sa retraite : le paiement est donc effectué lorsqu'il prend sa pension légale en tant que travailleur. Si la convention de pension le prévoit, la pension complémentaire peut cependant déjà être versée à l'âge légal de la retraite du travailleur concerné ou au moment où le travailleur remplit les conditions pour bénéficier d'une pension légale anticipée, dans le cas où le travailleur ne prendrait pas encore sa pension légale à ce moment-là.
Quelle sera la pension complémentaire que le travailleur percevra ?
Le travailleur pourra suivre la constitution de sa PLCT via mypension.be. Il doit aussi recevoir une fiche annuelle de son organisme de pension.
La nouvelle loi ne contient pour le surplus pratiquement aucune disposition accordant une protection spéciale au travailleur. Le rendement des cotisations versées sera celui qui découle de l'application de la convention de pension qu'il a conclue avec l'organisme de pension. Cette convention peut inclure une obligation de résultat (« branche 21 ») par laquelle l'organisme de pension garantit au travailleur un certain rendement ; elle peut également inclure une obligation de moyens (« branche 23 » ou auprès d'une IRP) lorsque le rendement dépend des investissements, sans aucune autre garantie. Il n'y a donc pas de garantie de rendement à charge de l'employeur. Le Roi fixera normalement d'autres règles pour protéger les affiliés et les bénéficiaires en déterminant quels actifs sous-jacents sont autorisés et lesquels sont interdits.
Il appartiendra donc au bénéficiaire de bien s'informer concernant les droits et garanties qu'il peut tirer de la convention de pension.
La prestation de retraite sera imposée au taux de 10% en cas de versement à la retraite ou au décès. Dans les autres cas, le taux est de 33%. Une cotisation de 3,55% à l'INAMI et la cotisation de solidarité de 0 à 2% seront déduites de la prestation.
Conclusion
La pension de l'avenir sera de plus en plus le résultat d'initiatives personnelles: la ou les pensions légale(s), les pensions complémentaires du deuxième pilier, les pensions du troisième pilier réglementées sur le plan fiscal et enfin toutes autres formes d'épargne. Avec la PLCT, le législateur introduit une nouvelle assise pour ces initiatives individuelles pouvant réellement contribuer au résultat souhaité, à savoir l'obtention d'une pension appropriée. Cependant, la responsabilité de cette assise est entièrement entre les mains du travailleur. L'employeur peut quant à lui, potentiellement donner une certaine orientation par le biais de l'accord-cadre qu'il conclut avec un organisme de pension.