Échange d'informations sur des prix de référence entre concurrents: interdiction absolue

Spotlight
15 juin 2015

L'échange d'informations sur des "prix de référence" entre concurrents en soi peut constituer une infraction du droit de la concurrence, même si l'information n'a pas de lien direct avec les prix que ces entreprises imputent ensuite à leurs clients.

Le 19 mars 2015 la Cour de Justice a rejeté le pourvoi de Dole Food contre un arrêt du Tribunal de l'Union européenne. Le Tribunal avait condamné Dole Food ainsi que Chiquita et Weichert pour la coordination de "prix de référence" de bananes dans plusieurs Etats membres européens entre 2000 et 2002. Un prix de référence est un prix standard sur base duquel les négociations entre le fournisseur et ses clients ont lieu. Dans certains cas le prix imputé au client était même fixé sur base de formules liées au prix de référence. Les entreprises concernées s'échangeaient de manière hebdomadaire (et ceci juste avant elles fixaient leurs prix de référence) des informations concernant des facteurs pertinents pour la détermination du prix de référence, ainsi que des informations concernant les tendances suivies par les prix.

La Cour de Justice a confirmé que de tels contacts constituent une restriction de la concurrence par objet, car ils réduisent l'incertitude quant à la date, l'ampleur et les modalités de la fixation des prix par les entreprises concernées. Des pratiques constituant une restriction de la concurrence par objet sont interdites indépendamment de leurs effets sur le marché.

Dole Food avait soulevé que les informations échangées n'avaient pas de lien direct avec les prix payés par les clients au bout du compte. La Cour de Justice a toutefois confirmé la jurisprudence "T-Mobile" (C-8/08) dans laquelle elle avait jugé que non seulement les pratiques concertées ayant un effet direct sur le prix de détail, sont interdites. Les producteurs des bananes se sont engagés dans des communications des prix de référence qui fonctionnaient, à tout le moins, comme des signaux pour le marché et qui étaient pertinents pour les prix qu'ils appliquaient sur le marché.

La qualification des communications entre concurrents comme une "pratique concertée" interdite suppose que l'autorité de la concurrence peut démontrer un lien de causalité entre les communications et le comportement qui suit sur le marché. La Cour de Justice facilite toutefois la tâche de l'autorité: les entreprises qui échangent des informations sont présumées de tenir compte de ces informations pour déterminer leur comportement futur sur le marché. La réfutation de cette présomption est une tâche presque impossible.

Cet arrêt illustre à nouveau les risques associés aux contacts entre concurrents sur des paramètres qui peuvent influencer la concurrence sur le marché.