La loi du 19 avril 2014 transposant la directive 2011/61/UE sur les gestionnaires d'organismes de placement collectif alternatifs (la "Directive AIFM") est entrée en vigueur le 27 juin 2014. Cette "Loi AIFM" prévoit un nouveau régime réglementaire étendu pour les gestionnaires d'organismes de placement collectif alternatifs.
Contexte
Au lendemain de la crise financière, le législateur européen a transposé la Directive AIFM en vue de développer un cadre complet pour les organismes de placement collectif alternatifs (les "OPCA"). A ce titre, le législateur européen envisage de créer un marché intérieur pour les gestionnaires d'organismes de placement collectif (les "Gestionnaires") ainsi qu'un cadre réglementaire et prudentiel harmonisé strict pour les activités des Gestionnaires sur le territoire de l'UE. Initialement, les législateurs nationaux avaient deux ans pour transposer la directive AIFM en droit national, un délai qui a ensuite été prolongé d'un an jusqu'au 22 juillet 2014 au plus tard. Le 17 juin 2014, la Loi AIFM a été publiée en Belgique, celle-ci étant l'un des derniers Etats Membres de l'UE à l'avoir fait. Techniquement, la Loi AIFM est entrée en vigueur le 27 juin 2014 (soit dix jours après sa publication au Moniteur belge du 17 juin 2014).
Portée
La Loi AIFM met en œuvre un régime réglementaire complet pour les Gestionnaires qui gèrent un ou plusieurs OPCA. Beaucoup de ces Gestionnaires n'étaient auparavant pas régulés et peuvent désormais être soumis à un régime réglementaire complet en vertu de la Loi AIFM.
Un OPCA est tout organisme de placement collectif qui lève des capitaux auprès d'un certain nombre d'investisseurs en vue de les investir, conformément à une politique d'investissement définie, dans l'intérêt de ces investisseurs et qui n'est pas un (traditionnel) OPCVM (UCITS), c'est-à-dire un organisme de placement collectif en vertu de la directive OPCVM (directive 2009/65 /CE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières).
En raison de son large champ d'application, la Loi AIFM s'applique potentiellement à une grande variété de gestionnaires, en ce compris les gestionnaires de hedge fund, les fonds de placements privés ("private equity fund"), les fonds immobiliers, les fonds de matières premières ainsi que les fonds d'infrastructure. Par conséquent, par exemple, les SICAFI belges publiques tombent techniquement dans le champ d'application de la Loi AIFM. Le législateur belge a toutefois décidé que les organismes qui ont investi dans l'immobilier mais qui se positionnent sur le plan commercial et opérationnel comme une véritable société commerciale et opérationnelle mettant l'immobilier à la disposition des utilisateurs (un concept bien connu dans le marché mondial de l'immobilier dans le cadre du label "REIT", qui signifie "fiducie de placement immobilier" ou, en anglais, "real estate investment trust") peuvent demander le statut de société immobilière réglementé ("SIR"). Les SIR ne tombent pas sous le champ d'application de la Loi AIFM.
Dérogations et limitations
La Loi AIFM exclut certains types de fonds de son champ d'application, et notamment les sociétés holdings, les institutions de retraite professionnelle, les institutions supranationales, les banques centrales, les fonds gouvernementaux qui gèrent des régimes de sécurité sociale et de retraite, les systèmes de participation des travailleurs ainsi que les structures de titrisation ad hoc. Il existe aussi des exemptions particulières pour les "family offices" et les entreprises communes.
En outre, la Loi AIFM prévoit un régime "allégé" pour deux catégories de Gestionnaires de taille plus modeste:
- Les Gestionnaires avec un portefeuille dont les actifs gérés, y compris les actifs acquis grâce à l'effet de levier, ne dépassent pas un seuil de 100 million EUR; et
- Les Gestionnaires avec un portefeuille dont les actifs gérés, qui sont acquis sans recourir à l'effet de levier, ne dépassent pas un seuil de 500 million EUR.
Ces Gestionnaires qui tombent sous ces seuils ne sont pas soumis aux dispositions restrictives de la Loi AIFM (à moins qu'ils ne le décident expressément, dans quel cas la Loi AIFM sera applicable dans son intégralité) et sont uniquement tenus de fournir une déclaration (allégée) à l'autorité de surveillance compétente.
Les Gestionnaires belges (qui tombent sous ces seuils) sont déjà soumises aux dispositions de la Loi AIFM depuis le 22 juillet 2014. Cependant, d'autres Gestionnaires de l'UE en vertu du régime "allégé" bénéficient d'une période de transition et sont autorisés à exercer leurs activités conformément aux régimes de placement privé antérieurs à la Directive AIFM jusqu'au 27 décembre 2014 (c'est-à-dire, pour une période de six mois après l'entrée en vigueur de la Loi AIFM). Les Gestionnaires non-UE qui étaient immédiatement soumis à la Loi AIFM, devront désormais se conformer à ses dispositions s'ils souhaitent poursuivre leurs activités sur le territoire belge.
Exigences imposées aux Gestionnaires
La Loi AIFM prévoit un ensemble détaillé de règles pour les Gestionnaires relatives, entre autres, à l'autorisation, les conditions d'exercice (telles que la rémunération, les conflits d'intérêt, la gestion des risques, la gestion de la liquidité et les exigences de dépôt) ainsi que la transparence.
En outre, la Loi AIFM prévoit un passeport de commercialisation qui permet aux Gestionnaires de commercialiser les OPCA de l'Union auprès d'investisseurs professionnels (tels que définis par la directive MiFID). Ce passeport sera valable sur tout le territoire de l'UE, permettant aux Gestionnaires établis dans l'UE de commercialiser leurs fonds dans l'UE dès qu'ils reçoivent l'autorisation de l'autorité de surveillance de leur Etat d'origine.
Pour les Gestionnaires de l'UE qui gèrent des OPCA non-UE et les Gestionnaires non-UE qui gèrent des OPCA (de l'UE ou non-UE), ce passeport de commercialisation ne sera introduit qu'en 2015 au plus tôt, à la suite d'un acte délégué de la Commission européenne. Dans l'intervalle, ces Gestionnaires qui ne disposent pas de passeport sont néanmoins habilités à commercialiser des fonds en Belgique en vertu de dispositions safe harbour prévues dans la Loi AIFM, jusqu'en 2018, date à laquelle les dispositions nationales safe harbour ne seront plus en vigueur. La demande d'information par le biais d' "offres publiques secrètes" ("covert public offers") ou "sollicitations inversées" ("reverse sollicitation") est également interdite, sauf si elle s'inscrit dans le cadre d'une disposition safe harbour d'un placement privé. Bien que ces dispositions safe harbour permettent aux Gestionnaires de commercialiser des OPCA en Belgique sans être considérés comme faisant une offre "publique", les Gestionnaires doivent encore passer par la procédure de notification applicable auprès de la FSMA avant qu'ils ne puissent commencer leurs activités de commercialisation.
À la suite du nouveau régime réglementaire transitoire de la Loi AIFM, tous les Gestionnaires devront notifier ou s'inscrire auprès de la FSMA avant de pouvoir commencer ou poursuivre leurs activités en Belgique. L'ampleur de cette notification ou de cette inscription variera et dépendra du régime réglementaire applicable.