L'Arrêté Royal du 9 novembre 2016 relatif aux fonds d'investissement immobiliers spécialisés ("FIIS") a pour but, en plus des régimes existants des sociétés immobilières réglementées ("SIR") et des SICAFI, de proposer un véhicule d'investissement fiscalement transparent, et spécifique à l'immobilier, aux investisseurs belges et étrangers "éligibles", afin qu'ils puissent désormais également investir dans l'immobilier belge et étranger via une structure belge au régime fiscal adapté.
Introduction
Le cadre législatif belge des REIT a vu le jour avec la Loi du 12 mai 2014 et l'Arrêté Royal du 13 juillet 2014 relatifs aux sociétés immobilières réglementées (la Législation SIR). Grâce à la Législation SIR, les investisseurs peuvent aujourd'hui investir dans les SIR, des sociétés immobilières opérationnelles cotées en bourse, dont le profil de risque est limité grâce au respect d'un niveau maximal d'endettement et d'obligations de diversification, et qui offrent un rendement prévisible au travers d'un ratio minimal de distribution fixé par la loi. Par ailleurs, la Législation SIR a proposé un statut alternatif aux SICAFI, leur permettant de ne plus être considérées comme "organisme de placement collectif" (sous l'AR SICAFI), et donc de ne plus être automatiquement qualifiées d' "organismes de placement collectif alternatifs" (au sens des règles européennes AIFM et de la loi de belge correspondante du 19 avril 2014 transposant en droit belge la directive AIFM, la "loi OPCA").
Deux ans après, il est clair que le nouveau cadre règlementaire est couronné de succès. Les anciennes SICAFI se sont toutes transformées en SIR, et le secteur, qui s'est entretemps agrandi pour atteindre 17 acteurs (Xior Student Housing étant constituée le plus récemment), se porte bien dans les conditions de marché actuelles, soutenu par le label de qualité de son statut.
Les investisseurs institutionnels ont déjà déclaré qu'il n'est pas toujours opportun pour eux de structurer leurs investissements immobiliers sous le régime d'une SIR ou d'une SICAFI. Ces deux régimes intègrent une série de mécanismes de protection dans le chef de la SIR et de la SICAFI (et de leurs actionnaires). La durée indéterminée de la structure, le caractère côté, le capital flottant obligatoire, les obligations de diversification, le niveau d'endettement maximal et le contrôle prudentiel de la FSMA sont parfois difficilement conciliables avec les besoins des grands investisseurs institutionnels. Certains investisseurs institutionnels ont dès lors opté pour des structures offertes par un de nos pays voisins, qui disposaient déjà de véhicules de fonds d'investissements immobiliers adaptés et soumis à une régulation plus flexible.
Afin de faire face à ce constat, et d'attirer vers la Belgique des investisseurs institutionnels étrangers (qui investissent dans l'immobilier belge et étranger), le législateur belge a introduit le régime des FIIS, par la loi Programme du 3 août 2016 et l'Arrêté Royal du 9 novembre 2016 relatif aux fonds d'investissement immobiliers spécialisés (l' "AR-FIIS"), publié le 18 novembre 2016 au Moniteur Belge.
Les caractéristiques du FIIS
Le FIIS est un organisme institutionnel alternatif de placement collectif (OPCA institutionnelle) avec un nombre de parts fixe, une obligation de distribution de 80% du résultat financier et avec pour objet exclusif le placement collectif dans l'immobilier. Il s'agit d'un fond "passif" non côté, qui constitue en ce sens l'opposé de la SIR commercialement active et opérationnelle.
En vertu du caractère institutionnel du FIIS, ses parts ne peuvent être souscrites, conformément à la loi OPCA, que par des "investisseurs éligibles". Cette catégorie d'investisseurs comprend d'une part les investisseurs éligibles "par nature" (ce sont les "clients professionnels" tels qu'énumérés dans la loi OPCA et les "contreparties éligibles" au sens de l'AR MiFID), et d'autre part, les investisseurs éligibles "par désignation" (c'est-à-dire les personnes morales qui se sont faites inscrites dans le registre de la FSMA). Un FIIS peut être constitué par un seul investisseur éligible.
L'obligation du FIIS de devoir disposer, dès la clôture du deuxième exercice comptable suivant son inscription au registre des FIIS, d'un portefeuille immobilier d'une valeur totale de minimum 10 millions d'euro, reflète la volonté du législateur de réserver ce régime pour les "grands" investisseurs institutionnels.
LE FIIS a un caractère "fermé" (pas de droit de sortie par rachat comme dans une sicav). Couplé à l'interdiction de cotation, cela pourrait résulter en un manque de liquidité de l'investissement dans un FIIS. Pour cette raison, un FIIS ne peut être établi que pour une durée limitée de 10 ans. Après expiration de ce délai, il est toutefois possible de prolonger cette durée initiale par des prorogations consécutives par tranche de cinq ans, moyennant la tenue d'une assemblée générale extraordinaire, à laquelle au moins la moitié du capital social est représentée et à condition qu'il y ait unanimité des votes présents ou représentés.
L'objet d'un FIIS consiste à investir de manière collective dans l'immobilier exclusivement. Contrairement aux SIR, un FIIS est une entité purement "passive" qui ne déploie aucune activité opérationnelle (comme par exemple la prestation de services à des tiers). Un FIIS ne peut, au même titre qu'une SIR, poursuivre une activité de promotion immobilière (sauf si cela a lieu sur base occasionnelle), étant entendu que cette activité est permise concernant le portefeuille immobilier propre.
Ce qu'il faut entendre sous la notion de "bien immobilier" est détaillée dans une définition ad hoc de l'AR-FIIS, qui se base essentiellement sur les définitions existantes fournies dans le cadre des régimes SIR et SICAFI. Une différence importante réside dans le fait que les biens immobiliers situés en Belgique doivent être directement détenus par un FIIS (contrairement aux biens immobiliers étrangers, qui peuvent être détenus directement ou indirectement). La seule exception à cette règle est que les biens immobiliers belges peuvent être détenus indirectement via une filiale, dont le FIIS détient directement ou indirectement toutes les actions, et à condition que le FIIS se "mette en règle" endéans les 24 mois (et donc que le bien immobilier belge considéré soit directement repris dans son bilan).
Afin de rendre le statut du FIIS aussi flexible que possible, aucune obligation de diversification, ni de niveau d'endettement maximal, n'ont été prévues. Les actifs d'un FIIS peuvent donc être constitués d'un seul et unique bien immobilier, avec une loan-to-value à déterminer librement.
Un régime fiscal favorable
Un FIIS est soumis au même régime fiscal favorable que les SIR et les SICAFI. Le FIIS jouit, en résumé et de manière simplifiée, d'un régime fiscal dit transparent, dont l'impôt des sociétés est prélevé uniquement sur base (i) d'avantages anormaux ou bénévoles, et (ii) de certaines dépenses non déductibles (art. 185bis §1 WIB). A l'instar de la gestion d'une SICAFI et d'une SIR, la gestion d'un FIIS, qualifié d'OPCA, n'est pas soumis au régime de la TVA. Un FIIS est finalement aussi soumis à la "taxe d'abonnement" de 0,01%.
En contrepartie de ce régime fiscal favorable, un FIIS sera, tout comme une SIR ou une SICAFI, redevable d'une taxe de sortie de 16,995% (incluant la contribution complémentaire de crise) lors de sa reconnaissance, due sur les plus-values latentes et les réserves exonérées. Cette taxe de sortie est également due lors d'une restructuration dans laquelle un FIIS est impliqué, comme par exemple, la fusion par absorption d'une société immobilière ordinaire par un FIIS. Désormais, la taxe de sortie s'appliquera également en cas d'apport de biens immobiliers par une société immobilière dans un FIIS lorsque l'apport est rémunéré par l'émission de nouvelles actions uniquement.
Ce qui caractérise le régime fiscal transparent dont les FIIS vont profiter, est que l'imposition – combinée à l'obligation de distribution – se situe principalement au niveau des actionnaires. En principe, les dividendes distribués par un FIIS sont soumis à un précompte mobilier (opérant de manière libératoire pour les investisseurs de détail) de 27% (30% à partir du 1er janvier 2017). La distribution de dividendes par un FIIS à une société belge est imposée conformément au taux normal de l'impôt des sociétés (33,99% incluant la contribution complémentaire de crise), et aucune déduction des revenus définitivement taxés n'est, en principe, admise.
Afin de permettre à un FIIS de remplir pleinement son rôle de plateforme d'investissement immobilière internationale, il est prévu en une exonération spécifique du précompte mobilier pour les épargnants non-résidents. Ces investisseurs jouissent d'une exemption du précompte mobilier pour la partie du dividende distribuée par le FIIS qui provient de sources étrangères, en d'autres termes de dividendes d'origine étrangère, ou de revenus issus de biens immobiliers situés à l'étranger.
En outre, les actionnaires-personnes morales peuvent tout de même jouir de la déduction des revenus définitivement taxés dans la mesure où les dividendes perçus par un FIIS découlent de revenus déjà imposés, tels que des revenus issus de biens immobiliers situés à l'étranger ou de dividendes versés par des filiales déjà imposées.
Contrôle et reconnaissance
Pour être reconnu en tant que FIIS, une société doit uniquement s'inscrire sur une liste tenue par le SPF Finances. Le SPF finances ne dispose pas de compétence d'appréciation et ne pourra refuser une inscription que si le dossier introduit n'est pas complet. Le statut de FIIS n'est octroyé qu'à la date de réception de la lettre de confirmation du SPF Finances.
Etant donné le caractère institutionnel d'un FIIS, la FSMA n'exerce pas de contrôle prudentiel. Cela ne signifie pas que la FSMA ne peut exercer absolument aucun contrôle sur les FIIS. Etant donné son "contrôle de périmètre", réglé par la loi OPCA, la FSMA pourra agir, lorsqu'il apparait qu'un FIIS n'a pas respecté de manière stricte les conditions concernant les investisseurs éligibles. Egalement en ce qui concerne le contrôle d'un éventuel dépositaire et du gestionnaire du FIIS, la FSMA (ou l'éventuelle autorité étrangère compétente) pourrait intervenir.
Les obligations comptables
Le FIIS a également un grand nombre de points communs avec la SIR et la SICAFI d'un point de vue comptable. Le FIIS, tout comme la SIR, est tenu de (i) respecter l'obligation de redistribution de 80% de son résultat net courant et des plus-values réalisées sur biens immobiliers, (ii) établir ses comptes annuels conformément aux normes IFRS, et (iii) permettre à un expert indépendant d'estimer la valeur réelle de son portefeuille immobilier au moins annuellement (et pour toute opération immobilière matérielle ou toute restructuration au sens du droit des sociétés, à moins que des chiffres récents soient disponibles et que l'expert évaluateur estime qu'une nouvelle évaluation n'est pas nécessaire). En outre, le FIIS doit, en vue de l'application de l'exonération susmentionnée du précompte mobilier et de la déduction des revenus définitivement taxés, signaler dans son rapport annuel l'origine des revenus acquis et reversés.
L'origine: la loi OPCA
La loi OPCA de 2014 relative aux organismes de placement collectif alternatifs et à leurs gestionnaires réalise la transposition de la directive AIFM, par laquelle les dispositions concernant les gestionnaires des organismes de placement collectif alternatifs ("OPCA") sont incorporées en droit belge (Partie II de la loi OPCA). Par ailleurs, la loi OPCA contient également une Partie III reprenant les règles préexistantes relatives aux OPCA belges, et qui contient dès lors des dispositions qui ne proviennent pas de la directive AIFM.
Le statut de FIIS est un cas d'application du Livre II de la Partie III de la loi OPCA, dont les dispositions sont d'application pour les OPCA de droit belge, qui n'offrent pas leurs parts au public et choisissent un régime institutionnel.
Le régime du FIIS a un caractère facultatif, car il ne sera d'application que pour les OPCA qui ont choisi le statut de FIIS et qui sont constitués conformément à l'AR-FIIS.
Lorsque le fonds immobilier est uniquement soumis aux dispositions non-harmonisées de la Partie III de la loi OPCA, le gestionnaire d'un FIIS devra tenir compte des dispositions harmonisées de la Partie II de la loi OPCA, qui ont un caractère impératif, hormis les cas où il est possible de faire appel à une exemption.
Les exemptions concernent (de manière simplifiée) l'exemption pour les holdings, les structures d'actionnaire unique et les structures intra-groupe.
Pour les gestionnaires d'OPCA "de petite taille", l'impact des dispositions de la Partie II de la loi OPCA est limité au régime "light" qui se cantonne essentiellement à un certain nombre de notifications. Un (gestionnaire de) FIIS sera considéré comme de "petite taille" si les actifs de l'OPCA sous gestion ne dépassent pas le seuil des EUR 100 millions. Lorsque les OPCA concernés n'ont pas recours à l'effet de levier (tel que défini), et qu'aucun droit de remboursement ne peut être exercé pendant une période de cinq ans, le seuil est de EUR 500 millions.
Le gestionnaire de droit belge d'un FIIS qui ne peut se baser sur une exemption, et qui n'est pas sous le seuil applicable, sera entre autres tenu aux obligations suivantes :
- Obtenir l'autorisation préalable de la FSMA;
- Respecter les exigences qui lui sont imposées par rapport à ses fonds propres;
- Engager au moins deux dirigeants effectifs et aptes;
- Avoir suffisamment de ressources humaines et techniques à disposition;
- Tenir de solides procédures comptables et administratifs;
- Développer des dispositifs de contrôle et de sauvegarde dans le domaine du traitement électronique des donnés, ainsi que des mécanismes de contrôle interne adéquats; Instaurer une séparation fonctionnelle et hiérarchique entre les fonctions de gestion de risques et les tâches des départements exécutifs;
- Appliquer les mesures de protection spécifiques contre les conflits d'intérêts;
- Mettre en œuvre et contrôler (au moins) annuellement le système de gestion des risques (où la FSMA surveille le caractère suffisant des procédures d'évaluation de crédit du gestionnaire);
- Mettre en œuvre le système de gestion des liquidités;
- Etablir des procédures d'évaluation appropriée et indépendante de l'actif (au moins une fois par an);
- Désigner un dépositaire, responsable de la garde des actifs et assurant que la vente, l’émission, le rachat, le remboursement et l’annulation des parts dans le FIIS se font conformément au droit applicable;
- Présenter un rapport annuel du FIIS qui sera mis à disposition de la FSMA;
- Démontrer que leur niveau d'endettement est raisonnable et qu'il se tiendra à cette limite en tout temps.