N'oubliez pas de déclarer votre construction juridique : les actionnaires de sociétés belges sont (involontairement) assujettis à la taxe Caïman

Les personnes physiques qui investissent par l'intermédiaire d'une société normalement imposée ne devaient pas se préoccuper de la taxe Caïman jusqu'à récemment. Toutefois, dans notre précédente contribution, nous avions déjà signalé que depuis le 1er janvier 2024, l'interposition d'une société normalement imposée ne suffit plus pour échapper à la taxe Caïman. Les personnes physiques qui investissent par l'intermédiaire d'une société normalement imposée (p.ex. une Family Office) doivent donc en tenir compte dans le cadre de leur déclaration à l'impôt des personnes physiques, qui doit être déposée prochainement.

L'interposition d'une société normalement imposée empêchait l'application de la taxe Caïman jusqu'à récemment

La taxe Caïman soumet les personnes physiques belges qualifiées comme «fondateur» d'une «construction juridique» à un impôt par transparence et à une obligation de déclaration dans la déclaration à l'impôt des personnes physiques. L'objectif est de permettre à ce que les revenus non imposés ou faiblement imposés de certaines constructions étrangères soient néanmoins imposés dans le chef de leur fondateur.

Jusqu'à l'année dernière, la qualification de fondateur supposait qu'une personne physique détenait directement des droits dans une (chaîne de) construction(s) juridique(s). La taxe Caïman pouvait donc facilement être évitée en interposant une société normalement imposée, rompant ainsi le lien entre la personne physique et la (les) construction(s) juridique(s) et empêchant l'application de la taxe Caïman.

Depuis le 1er janvier 2024 : les investissements via des «constructions intermédiaires » sont également soumis à la taxe Caïman 

L'interposition de sociétés normalement imposées pour éviter l'application de la taxe Caïman a été réfutée par la Cour des comptes, qui a estimé qu’il s’agissait d’une obstance à l’application de la taxe Caïman existante. La loi du 22 décembre 2023 y remédie en soumettant également à la taxe Caïman les fondateurs qui détiennent une participation indirecte dans une construction juridique par l'intermédiaire d'une (chaîne de) construction(s) intermédiaire(s). 

Une «construction intermédiaire» est toute entité, avec ou sans personnalité juridique, qui détient des parts dans une autre entité (qu'il s'agisse ou non d'une structure juridique), telle que, par exemple, une société belge normalement imposée. Ainsi, dorénavant, les personnes physiques belges qui détiennent indirectement une participation dans une construction juridique peuvent également tomber sous l'application de la taxe Caïman, quel que soit le niveau auquel se situe cette construction dans la chaîne. 

Les conséquences pratiques de cette nouvelle réalité ne doivent pas être sous-estimées. En effet, une personne physique investissant par l'intermédiaire d'une société belge normalement imposée devra en principe analyser l'ensemble de la chaîne sous-jacente pour savoir s'il existe quelque part des constructions juridiques dont elle pourrait être considérée comme un fondateur au sens de la taxe Caïman. Si la taxe Caïman s'applique, outre l'existence de ladite construction juridique, les informations suivantes devront être fournies dans une annexe spéciale à la déclaration à l'impôt des personnes physiques :

  • le nom complet, la forme juridique, le siège et le cas échéant le numéro d'identification de la construction juridique ;
  • le nom et l'adresse de l'administrateur de cette construction juridique lorsqu'il s'agit d'une forme de trust ;
  • l’ensemble des revenus recueillis par la construction juridique;
  • le montant du patrimoine de la construction juridique à la fin de la période imposable et la partie du patrimoine qui a été apportée par le fondateur, et ;
  • les sommes distribuées par la construction juridique.

Exception pour les investissements dans des fonds réglementés et des sociétés cotées

Il est évident que, dans certaines situations, il serait tout à fait déraisonnable d'attendre d'un investisseur qu'il ait accès aux informations susmentionnées. Les fonds réglementés (p.ex. les OPCA) et les sociétés cotées sont donc explicitement exclus des définitions de «construction juridique» et de «construction intermédiaire». Cela signifie que ces entités «cassent la chaîne» de sorte que leurs investisseurs ne peuvent être considérés comme les fondateurs d’une construction juridique sous-jacente et qu'aucune analyse de la structured’investissement sous-jacente n'est donc requise. Ceci a également été confirmé récemment par le SDA (voy. décisions anticipées 2024.0113 et 2024.0203). Une personne physique belge qui investit dans un OPCA par l'intermédiaire d'une société belge normalement imposée n'est donc pas soumise à la taxe Caïman et ne doit pas procéder à une analyse des investissements sous-jacents.

Prolongation des délais fiscaux

En principe, les déclarations à l'impôt des personnes physiques (via MyMinfin) doivent être déposées pour le 15 juillet 2024. Compte tenu du durcissement de la taxe Caïman, de nombreux contribuables devront, pour la première fois cette année, signaler l'existence d'une construction juridique dans leur déclaration. Pour ces cas, la date limite de dépôt sera prolongée jusqu'au 16 octobre 2024. Il convient de noter qu'une déclaration dans laquelle une construction juridique étrangère doit être divulguée est considérée comme une «déclaration complexe», qui est soumise aux délais d’investigation et d’imposition prolongés de 10 ans.

Conclusion 

Depuis le 1er janvier 2024, l'interposition d'une société normalement imposée ne suffit plus pour échapper à la taxe Caïman. Désormais, les personnes physiques qui investissent via une construction intermédiaire normalement imposée devront également vérifier si la taxe Caïman s'applique. Le cas échéant, la construction juridique devra notamment, entre autres, être déclarée dans la déclaration à l'impôt des personnes physiques. Toutefois, une exception s'applique aux investissements dans des fonds réglementés et des sociétés cotées, pour lesquels, en principe, aucune analyse des investissements sous-jacents ne sera requise.