Rémunération des administrateurs et du management – état des lieux après le nouveau Code de gouvernance d'entreprise

Spotlight
17 juin 2009

Une nouvelle version du Code belge de gouvernance d'entreprise a été publiée le 12 mars 2009 (disponible via http://www.corporategovernancecommittee.be). Une révision du Code initial, qui date de 2004, était indispensable afin de tenir compte des critiques relatives au comportement et à la responsabilité des sociétés cotées et de leurs administrateurs. Le nouveau Code ne pouvait évidemment pas contourner le débat mené en marge de la crise bancaire et relatif à la rémunération raisonnable et justifiée des administrateurs et des managers de sociétés cotées.

Le Code contient par conséquent un certain nombre de nouvelles recommandations relatives à cette problématique. Celles-ci ont en premier lieu égard à une plus grande transparence en matière de politique de rémunération. En ce qui concerne les indemnités de départ, qui ont récemment fait couler beaucoup d'encre, le Code innove en imposant une indemnisation maximale.

Le rapport de rémunération

Le code de Gouvernance d'entreprise prévoit désormais que les sociétés cotées doivent rédiger un rapport de rémunération. Ce rapport de rémunération fait partie de la Déclaration de gouvernance d'entreprise (précédemment le chapitre de Gouvernance d'entreprise), qui à sont tour est reprise dan le rapport de gestion.

Le rapport de rémunération décrit dans un premier temps la procédure interne appliquée afin de développer une politique de rémunération et de fixer le niveau de rémunération des administrateurs non exécutifs et des "managers exécutifs" (ci-après managers). Ensuite le rapport doit renseigner sur la politique de rémunération des managers effectivement menée. Le rapport fait également une description des principes sur lesquelles repose la rémunération et détaille la relation entre la rémunération et les performances réalisées. Le rapport précise ensuite les différentes composantes de la rémunération et leur importance relative et décrit les caractéristiques de chaque prime de prestations en actions, options ou autre droits d’acquérir des actions. Les modifications significatives de la politique de rémunération depuis la fin de l’exercice social qui fait l'objet du rapport, doivent également être mises en lumière dans le rapport de rémunération.

Accords avec le CEO et le management – l’indemnité de départ

Le nouveau Code prévoit expressément que les conditions de nominations du CEO et des autres membres du management doivent être soumises à l’approbation du conseil d’administration, sur avis du comité de rémunération. Cette question ne peut plus être réglée par le président ou par un comité réduit. En outre les contrats conclus à partir du 1er juillet 2009 doivent indiquer quels sont les critères qui seront utilisés pour déterminer la rémunération variable.

La nouveauté la plus remarquable est sans aucun doute l’intervention dans le domaine des indemnités de départ. A partir du 1er juillet 2009 il ne peut plus être conclu d’accords avec le CEO ou d’autres managers, qui prévoiraient une indemnité de départ supérieure à l’équivalent de 12 mois de rémunération de base et de rémunération variable. Le conseil d’administration peut porter cette limite à 18 mois à condition qu’il décrive les circonstances dans lesquelles cela serait possible et qu’il justifie explicitement ce choix sur une base individuelle. Les raisons qui selon le Code pourraient justifier une indemnité de départ plus élevée, sont entre autres le départ suite à un changement de contrôle, l’ancienneté de l’intéressé ou encore – bien que surprenant – le fait qu’une indemnité de départ plus élevée soit indispensable aux fins "d’obtenir l’accord du candidat".

Il est également remarquable que le Code détermine que l’indemnité de départ d’un CEO ou d’un autre manager doit être limitée à 12 mois de salaire de base maximum (et donc en excluant la rémunération variable), dans le cas ou l‘intéressé ne satisfait pas aux critères de performances reprises dans son contrat.

Obligations d’information supplémentaires relatives à la rémunération d’administrateurs non exécutifs, le CEO et le management

Désormais, l’information relative à la rémunération des administrateurs et des managers doit être reprise dans le rapport de rémunération. Le nouveau Code contient en outre certaines obligations d’information supplémentaires.

A l’égard des administrateurs non exécutifs la règle demeure qu’ils ne peuvent pas percevoir de rémunération liée aux performances. Il faut toutefois noter que désormais, le montant de la rémunération et des autres avantages attribués aux administrateurs non exécutifs doit être publié sur une base individuelle. Une autre nouveauté consiste en le fait que désormais il ne faut pas seulement tenir compte de la rémunération et des avantages qui sont attribués, directement ou indirectement, par la société mais également de la rémunération attribuée par ses filiales. Dans le cas où un manager est à la fois administrateur, il faut que le rapport de rémunération contienne également des informations sur le montant de la rémunération qu’il perçoit en cette qualité.

En ce qui concerne le CEO, le rapport de rémunération doit – tel que c’était le cas auparavant –mentionner le montant de la rémunération et des autres avantages que la société ou ses filiales octroient, directement ou indirectement, au CEO. A cet égard une ventilation doit être faite entre le salaire de base, la rémunération variable et les autres composantes de la rémunération (telles que les coûts ou la valeur d’assurances et les avantages en nature), avec une explication des particularités des principales composantes. Ce qui est nouveau est que désormais pour les bonus, il faut également indiquer la modalité de paiement de cette rémunération variable. Le rapport de rémunération doit également mentionner les montants qui, pendant l’exercice social faisant l'objet du rapport de rémunération, sont versés dans le cadre des pensions, avec une explication des plans de pension applicables. Sur ce point également le rapport de rémunération doit expliquer les éventuelles dérogations à la politique de rémunération par rapport aux exercices sociaux précédents.

Par rapport aux autres membres du management la règle demeure qu’il suffit de donner une information sur une base globale sur le montant de la rémunération et des autres avantages que la société ou ses filiales octroient directement ou indirectement. Cette information doit être fournie de la même manière que pour le CEO (ventilation entre salaire de base, rémunération variable et autres composantes de la rémunération). Dans le cas où la société aurait dérogé à sa politique de rémunération sur ce point lors de l’exercice social précédent, il doit en informer le conseil d’administration. Tel que c’était le cas sous l’ancien Code, le rapport de rémunération doit, sur une base individuelle, mentionner pour chaque manager le nombre et les principales caractéristiques des actions, options ou autres droits d’acquérir des actions, qui sont accordés, exercés ou qui expirent dans le cours de l’exercice social faisant l’objet du rapport.

Une autre nouveauté est que, dans le cas où les managers entrent en considération pour percevoir une rémunération liée aux performances de la société, le rapport de rémunération doit également contenir des informations relatives aux critères utilisés pour l’évaluation de ces performances par rapport aux objectifs, ainsi qu'à la période d’évaluation. La société veillera bien entendu à ne pas divulguer des informations confidentielles sur sa stratégie.

Un point final?

Malgré ces nouvelles recommandations de gouvernance d’entreprise, la discussion sur la rémunération des administrateurs n’est pas réglée. A l’exception de la règle générale qui exige que la rémunération soit raisonnable et justifié, la société cotée demeure en effet libre, de ne pas appliquer ces nouvelles règles à la condition qu’elle puisse justifier les dérogations éventuelles de manière fondée ("comply or explain").

Les excès récents lors des paiements d’indemnités de rupture laissent subsister la question d’une intervention législative plus sévère. Un rôle plus accru de l’assemblée générale lors de la détermination de la rémunération des administrateurs est une des pistes à envisager. L’application concrète de ceci touche toutefois à certains principes du droit financier et du droit des sociétés, qui peuvent également s’étendre à d’autres domaines du droit – tel le droit du travail. L'application transfrontalière de prescriptions contraignantes n’est pas évidente non plus.

Pour le moment les initiatives européennes restent limitées dans ce domaine à une recommandation (récemment resserré) à limiter l’indemnité de rupture à deux ans de salaire fixe. Cette recommandation est également soumise au principe du “comply or explain", ce qui par le passé ne semblait pas des plus propice à faire intégrer un changement de mentalités.
Il reste à voir si le nouveau Code et le prisme d'analyse aiguisé par la crise financière parviendront à y apporter un changement.