Directive européenne relative au cadre pour le redressement et la résolution des banques (BRRD)

Spotlight
15 septembre 2014

Le 15 mai 2014, le Parlement européen et le Conseil ont adopté une directive "établissant le cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et les entreprises d'investissement". Le 15 juillet 2014, un règlement a été adopté pour insérer ces mécanismes dans le cadre de l'Union bancaire. La directive impose notamment l'adoption de plans de résolution et permet l'utilisation d'instruments de résolution par une autorité de résolution pour résoudre la défaillance d'établissements de crédit et ainsi éviter le recours aux aides financières publiques. Ce sont d'abord les actionnaires et les créanciers non garantis, qui, par leurs contributions, supporteront les efforts nécessaires pour résoudre une défaillance de tels établissements.


Nouveau cadre légal

La directive 2014/59 du 15 mai 2014 (ci-après la "Directive") complète les moyens de protection du système financier et tente de limiter l'impact d'une crise sur les finances publiques. Dans la continuité de la création du mécanisme de surveillance unique (MSU), un règlement (UE) n°806/2014 du 15 juillet 2014 (ci-après le "Règlement MRU") a établi un Mécanisme de résolution unique (MRU), un Conseil de résolution unique (CRU) et un Fonds de résolution bancaire unique. Le législateur belge a transposé de façon anticipée un certain nombre de dispositions de la Directive  dans la loi du 25 avril 2014 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit (ci-après la "Loi bancaire") (voir Eubelius Spotlights juin 2014).

La Directive  établit des règles et des procédures uniformes minimales de redressement et de résolution applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement de l'Union européenne. La Directive a également des implications importantes au niveau du groupe qui contrôle de telles entreprises. Les succursales d'établissements de crédit de pays tiers établis dans l'Union européenne pourront être soumises à des mesures de résolution soit en exécution d'une résolution mise en œuvre dans le pays d'origine, soit en vertu d'une mesure indépendante prise sur le territoire de l'Union.


Plans de résolution

Une autorité de résolution doit être instituée dans chaque Etat membre (pour la Belgique, voir Eubelius Spotlights juin 2014). Selon le cas, l'autorité nationale ou le CRU est chargé d'adopter un plan de résolution pour chaque établissement (article 10 de la Directive). Des obligations simplifiées pourront être adoptées pour des établissements présentant un faible risque systémique, en fonction de l'impact que pourrait avoir leur défaillance sur l'ensemble de l'économie (article 4).

Dans le cadre de l'élaboration du plan de résolution, l'autorité de résolution, après consultation des autorités de contrôle compétentes, notifiera à l'établissement les obstacles à la résolution qu'elle aura décelés et réclamera de l'établissement qu'il propose des mesures pour y remédier. Si l'établissement n'y répond pas adéquatement dans un délai de 4 mois, l'autorité de résolution pourra, par décision motivée, exiger la réalisation de mesures structurelles. Cette décision doit pouvoir faire l'objet d'un recours (article 17).

Pour chaque établissement faisant partie d'un groupe soumis à une surveillance sur base consolidée, un plan de résolution doit être élaboré pour le groupe par l'autorité de résolution située dans l'État membre où se trouve l'autorité de surveillance sur base consolidée, conjointement avec les autorités des filiales et après consultation des autorités des succursales importantes concernées (article 12). L'autorité de résolution qui identifie des obstacles à la résolvabilité le notifie et, si nécessaire, exige des mesures au niveau du groupe (article 18).


Mécanisme de résolution

En cas de défaillance "avérée ou prévisible" d'un établissement (article 32), quatre instruments de résolution devront être à la disposition de l'autorité de résolution qui pourra les utiliser de manière séparée ou combinée: la cession forcée d'activités de l'établissement de crédit, le recours à un établissement-relais, la séparation des actifs et le renflouement interne.

La mise en œuvre de ces instruments est soumise à divers principes. Ainsi, les actionnaires doivent supporter les pertes en première ligne et les créanciers doivent ensuite absorber les pertes selon l'ordre de priorité de leurs créances, sans que leur sort soit pire que celui qu'ils auraient subi dans le cadre d'une faillite ("no creditor worse off") (article 34). La mise en œuvre d'un instrument de résolution implique une valorisation préalable ("juste, prudente et réaliste") des actifs et des passifs, par un tiers indépendant (article 36).


Instrument de renflouement interne

L'instrument de renflouement interne ("bail-in") doit permettre à l'autorité de résolution de recapitaliser un établissement, de convertir certains instruments de dette en fonds propres et de réduire le principal d'engagements de l'établissement afin d'assurer son sauvetage "interne" (article 43, §2 de la Directive).

Une série d'engagements spécifiques restent exclus du champ d'application de l'instrument de renflouement interne et un privilège est créé en faveur des personnes physiques et des PME sur leur dépôt en banque (article 108). Dans des circonstances exceptionnelles, l'autorité de résolution peut écarter certains autres engagements (article 44).


Intervention d'un dispositif de financement et intervention publique

La Directive  institue un "Système européen de dispositifs de financement" qui regroupe tous les dispositifs de financement nationaux établis par les Etats membres (articles 99 et 100). Ces dispositifs seront complétés, dans le cadre de l'Union bancaire, par un Fonds de résolution unique conformément au Règlement MRU. Ils doivent pouvoir être utilisés par les autorités de résolution pour garantir l'application effective des instruments de résolution (article 101). Ces dispositifs sont financés par les établissements qui entrent dans le champ d'application de la Directive  (article 103).

La Directive  autorise expressément les États à fournir un soutien financier public exceptionnel en cas de "situation hautement exceptionnelle de crise systémique" (article 37, § 10 et article 56), dans le respect des règles en matière d'aides d'État.

Tant la mise en œuvre des dispositifs de financement que la mise en œuvre d'un soutien financier public sont soumis à la condition préalable de la contribution des actionnaires et, le cas échéant, des créanciers concernés dans le renflouement interne, pour absorber les pertes existantes à concurrence d'au moins 8% du total des passifs (article 37, §10 et article 43, § 5). L'intervention du dispositif de financement est en outre limitée à maximum 5% du passif de l'établissement défaillant.

Les autorités doivent surveiller l'existence d'une masse suffisante d' "engagements éligibles", c'est-à-dire de dettes susceptibles de contribuer au renflouement interne (article 45). Cette surveillance portera notamment sur l' "asset encumbrance ratio", qui est actuellement à l'étude en Belgique.


Entrée en vigueur et perspectives

La Directive doit être transposée en droit national au plus tard le 31 décembre 2014 et les dispositions nationales doivent entrer en vigueur le premier janvier 2015, sauf les dispositions relatives à l'instrument de résolution interne, qui ne devra entrer en vigueur que le premier janvier 2016 au plus tard (article 130).

A l'heure actuelle, l'instrument de renflouement interne n'a pas encore été organisé dans la Loi bancaire. La loi a confié au Roi le soin de prendre par arrêté royal toutes les mesures nécessaires à l'adoption de celui-ci (article 255, §2 de la Loi bancaire).

Le mécanisme de renflouement interne libèrera-t-il les finances publiques du poids de la garantie implicite des établissements financiers qualifiées par les marchés de "trop importants pour faire faillite"? Nous le verrons à partir de 2016, dans les éventuels ajustements des notations financières ("rating") de ces établissements.