HR Legal Automne 2022 (1/4) : Le deal pour l’emploi

Legal Eubdate
6 décembre 2022

[Version actualisée de l'article publié le 15 novembre 2022]

L'année 2022 marque un automne chaud en termes de législation RH avec (1) le deal pour l'emploi, (2) une nouvelle législation sur des conditions de travail transparentes et prévisibles, (3) une nouvelle législation sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants, et (4) des changements pour les trajets de réintégration des employés malades et la résiliation des contrats de travail pour cause de force majeure médicale.

Dans une série de quatre Legal Eubdates, vous lirez quel impact ces mesures peuvent avoir sur votre politique de ressources humaines.

Nous commençons avec "le deal pour l'emploi". Après que le gouvernement fédéral soit parvenu à un accord sur un ensemble de mesures relatives au marché du travail en février, la loi du 3 octobre 2022 portant des dispositions diverses relatives au travail a été publiée au Moniteur belge le 10 novembre 2022. Cette loi vise à moderniser davantage le droit du travail en mettant l’accent sur la flexibilité et les nouvelles tendances. Ainsi, la loi aspire à atteindre un taux d’emploi de 80% d’ici 2030.

 

1. Mesures pour plus de flexibilité et de prévisibilité

1.1 La semaine de quatre jours

En tant qu’employeur, vous avez désormais la possibilité de laisser le temps de travail hebdomadaire être presté sur quatre jours. Cette mesure n’entraîne pas une réduction du temps de travail, mais une augmentation du nombre d’heures de travail à effectuer quotidiennement, de sorte que les heures de travail hebdomadaires sont effectuées sur quatre jours au lieu des cinq jours habituels. Vous n’êtes pas obligé d’introduire la semaine de quatre jours dans votre entreprise.

Les conditions pour appliquer la semaine de quatre jours sont les suivantes :

  • Si vous voulez permettre le système de la semaine de quatre jours, vous devez en inclure le cadre dans le règlement de travail.
  • Le travailleur doit demander l’application du régime par écrit. Vous pouvez le lui refuser, mais vous devez alors motiver ce refus par écrit dans un délai d’un mois à compter de la demande. Le travailleur ne doit pas subir de traitement défavorable – comme un licenciement – suite à la demande.
  • Vous devez conclure avec le travailleur un accord écrit dans lequel l’horaire et les dates de début et de fin de l’application du régime sont déterminés. La période d’application est limitée à six mois, mais peut être renouvelée.
  • Vous devez conserver la demande et l’accord à l’endroit où le règlement de travail peut être consulté, et ce pendant cinq ans après la fin de la période à laquelle il se rapporte.
  • Le temps de travail quotidien maximum autorisé est fixé à 9,5 heures (à délimiter dans le règlement du travail), avec la possibilité de l’étendre jusqu’à 10 heures par jour par convention collective de travail.
  • Le travailleur ne peut pas effectuer d’heures supplémentaires volontaires le “cinquième jour”.

Cette mesure entre en vigueur le 20 novembre 2022.
 

1.2 Le régime hebdomadaire alterné

Le régime hebdomadaire alterné permet au travailleur à temps plein de travailler plus une semaine (jusqu’à 9 heures par jour et 45 heures par semaine), et de compenser le surplus d’heures prestées en travaillant moins d’heures l’autre semaine, de manière à ce qu’en moyenne sur deux semaines consécutives (14 horaires de travail quotidiens dans un ordre fixe), la durée hebdomadaire normale de travail soit prestée.

Pour les mois de juillet à septembre ou en cas d’événement imprévu, le cycle peut être porté de deux à quatre semaines. Les travailleurs dans un régime hebdomadaire alterné ne peuvent effectuer des heures supplémentaires volontaires que durant les semaines au cours desquelles la durée de travail hebdomadaire est supérieure à la durée de travail hebdomadaire normale. Le travailleur peut mettre fin unilatéralement au régime hebdomadaire alterné, à condition d’en informer son employeur deux semaines à l’avance.

Pour le reste, les mêmes conditions s’appliquent que pour la semaine de quatre jours.

Cette mesure entre en vigueur le 20 novembre 2022.
 

1.3 La communication des horaires à temps partiel variables

Vous devez désormais prévenir le travailleur sept (au lieu de cinq) jours ouvrables à l’avance de son horaire à temps partiel variable. Si vous avez des horaires à temps partiel variables dans votre entreprise, vous devrez donc modifier cette échéance dans votre règlement de travail et cela dans un délai de neuf mois à compter du 20 novembre 2022 (au plus tard le 20 août 2023).

Une convention collective de travail rendue d’application générale pourra toujours réduire ce délai minimum à trois jours ouvrables (au lieu du délai précédemment applicable d’un jour ouvrable). Les conventions collectives sectorielles existantes cesseront de produire leurs effets à partir du 1er janvier 2023 si elles prévoient un délai inférieur à trois jours ouvrables. Dans ce cas, le délai sera de sept jours ouvrables. Notez qu’il existe des exceptions spécifiques pour certaines commissions paritaires (notamment les CP 110, 121, 145 et 302).
 

2. Mesures pour plus de formation

2.1 Plan de formation

Si vous occupez 20 travailleurs ou plus, vous devrez établir un plan de formation annuel. Ce plan doit contenir un aperçu des formations et de la catégorie de personnel concernée, avec une attention particulière, entre autres, aux travailleurs âgés et aux travailleurs handicapés. Le plan doit être établi annuellement au plus tard le 31 mars et soumis au conseil d’entreprise ou, en l’absence de conseil d’entreprise, à la délégation syndicale ou, en l’absence de délégation syndicale, aux travailleurs. Cette mesure entrera en vigueur rétroactivement à partir du 1er septembre 2022.
 

2.2 Droit à la formation et jours de formation

Si vous occupez 20 travailleurs ou plus, vous devrez garantir un nombre minimum de jours de formation pour chaque employé (à temps plein), à savoir :

  • À partir de 2023 : au moins quatre jours de formation ;
  • A partir de 2024 : au moins cinq jours de formation.

Des règles spécifiques s’appliqueront au travail à temps partiel et aux années civiles qui ont été prestées de manières incomplètes.

Le droit individuel à la formation est instauré par le biais d’une convention collective sectorielle ou, à défaut, par un compte individuel de formation. Même si aucune convention collective sectorielle n’est conclue et que le travailleur ne dispose pas d’un compte de formation, le travailleur a droit au nombre de jours de formation susmentionné. Si le travailleur n’épuise pas son crédit de formation, celui-ci est reporté sur l’année suivante à la fin de l’année. Des règles spécifiques s’appliquent en cas de résiliation du contrat de travail.

Lorsque et dans la mesure où la formation est suivie en dehors de l’horaire de travail, ces heures donnent droit au paiement d’un salaire normal (sans heures supplémentaires).

Les entreprises de plus de 10 et de moins de 20 travailleurs doivent garantir un jour de formation par an pour un travailleur à temps plein qui a été occupé pendant une année complète. En tout état de cause, ces entreprises déterminent avant le 30 septembre de chaque année le nombre de jours de formation auxquels les travailleurs ont droit. Pour le reste, les règles exposées ci-dessus s’appliquent.

Les entreprises de moins de 10 employés sont exemptées des règles susmentionnées.

Ces modifications entreront en vigueur le 10 novembre 2022.
 

3. Introduction d'un droit à la déconnexion

Si vous occupez 20 travailleurs ou plus, vous devez introduire un droit à la connexion par le biais d’une convention collective de travail ou du règlement du travail. Vous devrez y déterminer au moins les modalités suivantes :

  • Les modalités pratiques du droit à la déconnexion ;
  • Les lignes directrices pour l’utilisation des outils numériques de manière à garantir les périodes de repos, les congés, la vie privée et familiale du travailleur ; et
  • Les actions de formation et de sensibilisation des travailleurs et du personnel de direction à une utilisation raisonnée des outils numériques et aux risques liés à une connexion excessive.

Le droit à la déconnexion s’applique à partir du 20 novembre 2022. Une copie de la convention collective de travail ou du règlement du travail contenant ce droit doit être déposée auprès du SPF ETCS au plus tard le 1er janvier 2023. Le SPF ETCS a annoncé le 25 novembre 2022 via un communiqué de presse que le délai pour déposer la convention collective ou remettre une copie du règlement de travail sera reporté de trois mois au 1er avril 2023 (https://emploi.belgique.be/fr/actualites/report-de-trois-mois-dans-la-pratique-pour-se-mettre-daccord-sur-le-droit-la-deconnexion). Vous avez donc jusqu’à cette date pour négocier les modalités du droit à la déconnexion.

Si une convention collective de travail est conclue au sein du CNT ou au niveau sectoriel sur les modalités, l’obligation de conclure une convention collective de travail au niveau de l’entreprise ou de modifier le règlement de travail de l’entreprise devient caduque.
 

4. Mesures pour un licenciement activateur

4.1 Le trajet de transition

Lorsque l’employeur licencie un travailleur avec un délai de préavis, l’employeur peut proposer au travailleur un trajet de transition, ou le travailleur peut demander à l’employeur de lui proposer un trajet de transition. Ce trajet se fait par l’intermédiaire d’une agence de travail intérimaire ou d’un service public régional pour l’emploi et aboutit à l’embauche du travailleur par un autre employeur (“l’utilisateur”).

Dans ce cas, vous devez en tant qu’employeur conclure un accord avec le travailleur, l’utilisateur et l’agence de travail intérimaire ou le service pour l’emploi sur les conditions et la durée du détachement (au maximum égalé à la durée du délai de préavis). Pendant la période de détachement, l’employeur verse au travailleur la rémunération qui est d’application chez l’employeur-utilisateur pour la fonction qu’il y exerce, ou la rémunération en vigueur pour la fonction chez l’employeur lui-même si celle-ci est supérieure à la rémunération chez l’employeur-utilisateur. La rémunération est entièrement ou partiellement répercutée sur l’utilisateur, selon les accords conclus.

Si le trajet est terminé, l’utilisateur doit embaucher le travailleur avec un contrat de travail à durée indéterminée.  Si l’utilisateur ne le fait pas, il doit verser une indemnité au travailleur (égale à la rémunération pour la moitié de la durée du trajet de transition).

Il convient de noter qu’après la transition, le travailleur conservera toute son ancienneté pour le droit au crédit-temps et à l’interruption de carrière. En cas de licenciement, l’ancienneté qu’il a acquise au cours du trajet de transition sera prise en compte pour le calcul du délai de préavis ou de l’indemnité compensatoire de préavis.

Cette mesure entre en vigueur le 20 novembre 2022.
 

4.2 Mesures de promotion de l'employabilité

Les travailleurs ayant un préavis d’au moins 30 semaines auront accès à des mesures supplémentaires en plus du droit à l’outplacement « normal », telles que la formation, le coaching et l’outplacement supplémentaire.

Ainsi, outre le droit à l’outplacement, l’indemnité de départ de ces travailleurs comportera deux parties :

  • La première partie consiste en un délai de préavis égal aux deux tiers de la période de préavis avec un minimum de 26 semaines, ou en une indemnité compensatoire de préavis correspondant soit à la durée du délai de préavis de cette première tranche, soit à la partie restante de ce délai ;
  • La seconde partie consiste en un délai de préavis ou une indemnité égale à la partie restante du délai de préavis ou de l'indemnité.

Ces mesures seront financées par les cotisations patronales dues sur la deuxième partie du préavis ou de l'indemnité.

En cas de licenciement, le travailleur a le droit de s'absenter de son travail dès le début de la période de préavis – avec maintien de sa rémunération – pour des mesures favorisant l'employabilité. En cas de licenciement avec paiement d'une indemnité compensatoire de préavis, le travailleur doit se tenir à disposition pour suivre des mesures de promotion de l'employabilité.

Dans les deux cas, cela s'applique jusqu'à concurrence du montant des cotisations patronales sur l'indemnité compensatoire de préavis ou le délai de la deuxième partie.

Cette mesure est d’application aux licenciements à partir du 1er janvier 2023.
 

5. Mesures pour le e-commerce

5.1 Expérimentation du travail de nuit de 20h à 24h

Les entreprises dans lesquelles le travail de nuit est autorisé pourront mettre en place une expérimentation unique de 18 mois pour le travail de nuit entre 20h et 24h, à laquelle les employés peuvent participer volontairement. L’accord de la délégation syndicale n’est pas requis, mais une procédure stricte doit être suivie pour rendre l’expérimentation possible, impliquant le Conseil d’entreprise (en l’absence de conseil d’entreprise, ce sera le CPPT, en l’absence de CPPT la délégation syndicale, et en l’absence de délégation syndicale, les travailleurs eux-mêmes).

Cette mesure entre en vigueur le 20 novembre 2022.
 

5.2 Introduction du travail de nuit

Une convention collective de travail ou le règlement du travail peut introduire le travail de nuit entre 20h et 24h pour les activités de e-commerce.

Cette mesure entre également en vigueur le 20 novembre 2022.
 

6. Mesures pour les travailleurs de platformes

Dans la loi des relations de travail, une liste de huit critères est ajoutée pour déterminer s’il existe ou non une présomption réfragable de salariat entre l’exploitant de plateforme et le travailleur de plateforme.

Cette règle entre en vigueur le 1er janvier 2023.

Il y aura également une nouvelle obligation pour un exploitant de plateforme de souscrire une assurance contre les accidents du travail pour les travailleurs indépendants de la plateforme. Un arrêté royal déterminera encore la date d’entrée en vigueur de cette obligation.
 

7. Mesures pour plus de diversité

Le SPF ETCS cartographiera la diversité au sein des différents secteurs sur base de fiches sectorielles. Ces fiches analyseront la diversité sur base des différents critères protégés par la législation anti-discrimination. Les commissions paritaires devront ensuite établir un rapport sur les fiches sectorielles. Si ce rapport n’explique pas les différences observées au sein des entreprises du secteur, les commissions paritaires devront élaborer un plan d’action pour éliminer ces différences. La diversité et l’inclusion devront donc mieux être (les plus) haut placées dans votre agenda RH.
 

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