La bonne gouvernance dans le secteur public flamand

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15 mars 2014

Le décret du 22 novembre 2013 relatif à la bonne gouvernance au sein du secteur public flamand (ci-après, le "Décret Bonne Gouvernance") a été publié le 9 janvier 2014. Ce décret comprend de nouvelles règles en matière de bonne gouvernance pour les agences flamandes et d'autres entités (gouvernementales), constituées ou non sous la forme de société. Les nouvelles règles concernent la composition du conseil d'administration et les règles de conflit d'intérêt en son sein, le statut du commissaire du gouvernement, la déontologie du personnel et la rémunération des administrateurs et membres du personnel. L'on peut s'attendre à ce que le nouveau décret suscite des questions d'interprétation au regard des choix légistiques et de fond du législateur décrétal.

Champ d'application ratione personae

Premièrement, le Décret Bonne Gouvernance est applicable aux agences et administrations régies par le décret-cadre du 18 juillet 2003 ("Kaderdecreet Bestuurlijk Beleid"): les départements, les agences autonomisées internes avec et sans personnalité juridique (dites "IVA") et les agences autonomisées externes de droit public ou de droit privé (dites "EVA"). En outre, le décret s'applique aussi aux Secrétariats et aux Conseils consultatifs stratégiques, aux dites "Eigen Vermogens" limitativement énumérées et aux institutions publiques à statut sui generis suivantes: la VRT, la Société flamande de Distribution d'Eau ("Watergroep"), l'hôpital universitaire de Gand et le Fonds flamand des Lettres.

Outre ces administrations traditionnelles, le décret trouve également à s'appliquer à l'égard des sociétés commerciales et des ASBL, à l'exception des universités et des écoles supérieures qui sont qualifiées d'institutions publiques au sens de l'article 9 Loi sur la Réforme des Institutions. Cependant, il faut toujours qu'elles soient considérées comme faisant partie du gouvernement flamand en étant reprises sous le code sectoriel 13.12 dans la nomenclature SEC (par exemple VVM De Lijn). Un aperçu des sociétés et associations visées est disponible sur le site internet de la Banque Nationale de Belgique  (http://www.nbb.be/doc/dq/F_pdf_PDE/PDE_liste_FR.pdf).

Toutefois, lorsqu'une société commerciale est reprise sous le code sectoriel 11001 dans la nomenclature SEC (par exemple SA Aquafin), le décret n'est pas automatiquement d'application. Dans ces sociétés, le comportement et le vote des représentants du gouvernement flamand doivent être conformes aux dispositions du décret. Ces sociétés ne sont pas couvertes par l'analyse qui suit.

Il convient de se méfier par rapport à cette définition très large du champ d'application du décret. Il apparaîtra ci-après que les règles ne s'appliquent souvent pas de manière égale à toutes les entités énumérées. Ainsi, les départements et les "IVA" ne sont par exemple pas visés par les nouvelles règles des premiers trois titres mentionnés ci-après. Seules les dispositions relatives à la rémunération leur sont – en théorie – applicables.

Administrateurs indépendants et conflits d'intérêts au sein du conseil d'administration

Le décret prévoit qu'au moins un tiers des membres du conseil d'administration qui ont un droit de vote sont des administrateurs indépendants qui sont nommés sur proposition du conseil d'administration, suite à un appel à candidature et à une sélection comparative, parmi deux candidats par mandat. Selon l'entité publique concernée, la nomination est faite par le gouvernement flamand ou par l'assemblée générale. Les administrateurs indépendants peuvent être révoqués uniquement pour motifs graves et sur la proposition du conseil d'administration.

La mise en œuvre concrète du critère d'indépendance ne sera probablement pas aisée. Ainsi, le décret renvoi entre autres à une application "indicative" des "critères du Code de gouvernement d'entreprises de sociétés cotés", ce qui, naturellement – outre le fait que le législateur flamand ait apparemment perdu de vue l'existence de critères d'indépendance prévus à l'article 526ter du Code des sociétés –  témoigne d'une curieuse façon de légiférer.

Pour prévenir les conflits d'intérêts au sein du conseil d'administration, les administrateurs doivent dorénavant présenter, au moment de leur nomination, une liste de leurs autres mandats et activités en cours, de même que toute modification ultérieure à cette liste. En outre, un régime spécifique pour les conflits d'intérêts a été élaboré, lequel s'inspire du système prévu à l'article 523 du Code des sociétés pour les sociétés cotées. L'administrateur qui a un intérêt (in)direct de nature patrimoniale, opposé à une décision ou une opération relevant de la compétence du conseil d'administration ne peut participer ni aux délibérations ni au vote concernant cette décision ou cette opération. Cependant, les règles de l'article 523 du Code des sociétés relatives au rapportage, à la justification et à la publication du conflit d'intérêt n'ont pas été reprises.

Finalement, le conseil d'administration doit rédiger un code déontologique pour ses membres.

Le décret modifie ainsi, d'un seul trait de plume, les règles relatives au conseil d'administration dans une série de personnes morales et entités publiques sans cependant prendre la peine d'actualiser leurs textes légaux organiques par le biais de dispositions modificatives. Espérons que cet exercice suive rapidement car la situation actuelle est source de confusion et d'insécurité juridique. Le "Kaderdecreet Bestuurlijk Beleid" a toutefois déjà été bien adapté sur un certain nombre de points.

Le champ d'application des règles précitées est limité aux  "EVA", aux quatre institutions publiques énumérées ci-dessus et aux sociétés commerciales et ASBL qui font partie du gouvernement flamand en étant reprises sous le code sectoriel 13.12 dans la nomenclature SEC.

Statut du Commissaire du gouvernement

Le Décret Bonne Gouvernance détermine les conditions auxquelles chaque candidat au poste de commissaire du gouvernement doit satisfaire, et ceci en ce qui concerne la disponibilité, l'expérience et les connaissances requises, les condamnations pénales, la présence de conflits d'intérêts fonctionnels ou personnels et les incompatibilités avec d'autres mandats ou fonctions.

Par ailleurs, il donne au commissaire du gouvernement un droit d'accès explicit à l'information, dont il doit toutefois assurer la confidentialité. Le décret insiste également sur la relation de confiance qui doit exister entre le commissaire du gouvernement et le gouvernement flamand, à défaut de laquelle le gouvernement flamand peut mettre fin au mandat à tout moment. Enfin, le décret prévoit une évaluation biannuelle du commissaire du gouvernement à la lumière d'une description de fonction et d'un profil de compétences établis par le Ministre lors de la nomination du commissaire du gouvernement.
 
Ces règles sont elles aussi uniquement applicables aux entités publiques mentionnées sous le titre précédent. En outre, elles s'appliquent logiquement que dans la mesure où la nomination d'un commissaire du gouvernement est prévue dans l'entité publique concernée.

Déontologie du personnel

Toutes les entités qui tombent dans le champ d'application personnel du Décret Bonne Gouvernance, à l'exception des départements et des  "IVA", doivent dorénavant établir un code déontologique pour leur personnel. Les AAE, les Secrétariats des Conseils Consultatifs Stratégiques et les organismes publics flamands établissent en outre un règlement pour la protection des "dénonciateurs", c'est-à-dire "les membres du personnel qui ont constaté et dénoncé, lors de l'exercice de leur fonction, des négligences, abus ou délits dans l'entité où ils sont employés".

Rémunération des dirigeants et des membres du personnel

Le Décret Bonne Gouvernance comprend enfin, conformément à l'esprit du temps, de nouvelles règles en ce qui concerne le statut pécuniaire des dirigeants et/ou des membres du personnel. Il s'agit de:

  • le niveau de la rémunération annuelle, qui en principe ne peut pas dépasser la rémunération annuelle du Ministre-Président du gouvernement flamand (la "norme Ministre-Président"); 
  • la composition de la rémunération annuelle, qui ne peut être accordée sous forme d'actions ou d'options sur actions et dont la partie variable ne peut jamais excéder 20% du traitement annuel, y compris l'allocation de mandat, et pour laquelle lors de la détermination de l'ampleur du montant il doit être tenu compte de la perspective à long terme et de la réalisation des objectifs financiers et non financiers; 
  • l'interdiction de payer la rémunération de membres du personnel à une société de management (un principe qui trouvait déjà à s'appliquer au niveau fédéral depuis la loi du 19 décembre 2012 relative à la rémunération des membres du personnel et des mandataires des organismes d'intérêt public, des entreprises publiques autonomes et des personnes morales sur lesquelles l'Etat exerce directement ou indirectement une influence dominante, en tant que personne physique, étant entendu que l'interdiction flamande est uniquement d'application aux membres du personnel et donc non par exemple à la rémunération en tant qu'administrateur); 
  • la composition et l'ampleur des primes de départ, pour lesquelles la composition est déterminée par voie décrétale et la hauteur est plafonnée au maximum au montant d'un traitement annuel, à moins que les dispositions légales en matière de droit du travail ne prévoient une prime de départ supérieure; 
  • le régime de pension (complémentaire), qui ne peut pas être plus avantageux que celui d'un Ministre du gouvernement flamand; et
  • la transparence du montant de la rémunération annuelle des membres du conseil d'administration, qui doit être rendu public dans le rapport annuel des entités concernées et qui pour certaines entités publiques doit également être porté à la connaissance du gouvernement flamand.

Disposition transitoire

Le Décret Bonne Gouvernance prévoit dans une disposition transitoire en ce qui concerne la nouvelle composition des conseils d'administration. La composition doit être adaptée lors du prochain renouvellement des mandats et au plus tard le permier juillet 2018. En ce qui concerne les règles relatives à la rémunération, le décret prévoit que les membres du personnel et les dirigeants continuent à bénéficier au moins des conditions de pécuniaires dont ils bénéficiaient à la date d'entrée en vigueur du présent décret (à savoir le 19 janvier 2014) et ce également lors d'une prolongation ultérieure de leur mandat.