Un projet de loi récent portant diverses dispositions concernant le détachement des travailleurs transpose la directive d'exécution 2014/67/EU en droit belge. Ce projet de loi, qui a été approuvé par la Chambre le 24 novembre 2016, offre de nouvelles possibilités aux services d'inspection sociale pour contrôler le respect des règles régissant le détachement des travailleurs dans l'EEE ou en Suisse, et pour agir contre la fraude sociale.
Contexte
Le projet de loi porte sur les travailleurs détachés, c'est-à-dire les travailleurs qui sont envoyés par leur employeur vers un autre Etat membre de l'EEE ou vers la Suisse pour y travailler. La directive de 1996 concernant le détachement fixe les règles qui doivent être respectées. Ainsi, les travailleurs détachés ont droit à ce qu'on appelle le "noyau dur" des dispositions impératives concernant les conditions de travail et de salaire de l'Etat d'accueil (par exemple le salaire minimum). Pour le surplus, le droit du travail de l'Etat d'origine continue en principe à s'appliquer au travailleur détaché. Il en va de même sur le plan de la sécurité sociale.
On constate en pratique que les principes de la directive de 1996 concernant le détachement ne sont souvent pas respectés. En outre, le contrôle et l'applicabilité des règles s'est souvent avéré problématique. Pour apporter une solution à ce problème, une nouvelle directive a été adoptée en 2014, la directive européenne d'exécution 2014/67/EU (la "Directive d'exécution"), qui a pour but de parvenir à une application plus efficace de la directive de 1996 concernant le détachement, ainsi qu'à éviter le contournement et l'abus des règles.
Le projet de loi évoqué ici transpose la Directive d'exécution en droit belge.
Contenu du projet de loi
Plusieurs nouveautés sont introduites par le projet, dont nous proposons les plus importantes ci-après.
Eléments de fait pour juger de l'existence ou non d'un détachement
Le projet de loi contient deux listes de critères factuels qui doivent permettre de déterminer si on a affaire à un véritable détachement.
Une première liste d'éléments de fait est liée à l'exigence que le détachement aie un caractère temporaire. L'objectif de la liste est de permettre de disqualifier les prestations qualifiées de détachement mais qui n'ont en réalité pas de caractère temporaire.
Une deuxième liste d'éléments de fait porte pour sa part sur l'appréciation de la notion d'établissement véritable dans le pays d'origine à partir duquel l'entreprise opère la prestation de services. Cette liste permet donc d'apprécier si la condition que l'entreprise opère véritablement des activités substantielles dans le pays d'origine est remplie. Elle doit donc permettre de lutter contre les entreprises de type "boîtes aux lettres".
Désignation obligatoire d'une personne de liaison
Le projet de loi énonce que l'employeur qui veut détacher du personnel en Belgique est tenu de désigner une personne de liaison avant ce détachement et d'en communiquer l'identité aux fonctionnaires désignés par arrêté royal (les services d'inspection). La personne de liaison est une personne physique désignée par l'employeur afin d'assurer, pour le compte de l'employeur, le contact avec les fonctionnaires désignés. Elle peut être contactée par ces derniers pour fournir ou recevoir tout document ou avis relatif à l'occupation de travailleurs détachés en Belgique.
Le projet de loi énonce que l'employeur qui détache un travailleur en Belgique doit pouvoir produire les documents suivants à l'inspection, ce qui aura lieu en pratique par l'intermédiaire de la personne de liaison:
- une copie du contrat de travail du travailleur détaché ou tout document équivalent;
- les relevés d'heure indiquant le début, la fin et la durée du temps de travail journalier du travailleur détaché;
- les preuves de paiement des salaires du travailleur détaché; et
- les informations relatives à la devise servant au paiement de la rémunération, aux avantages en espèce et en nature liés à l'expatriation et aux conditions de rapatriement du travailleur détaché.
L'employeur est tenu, sur demande de l'inspection, de produire une traduction de ces documents, soit dans une des langues nationales soit en langue anglaise.
Responsabilité solidaire salariale
Le projet de loi introduit dans la loi sur la protection de la rémunération un nouveau régime de responsabilité solidaire pour le contractant direct pour les activités dans le secteur de la construction. Il existera à côté du "régime général" de responsabilité solidaire pour les dettes salariales. Ce nouveau régime de responsabilité salariale s'écarte sur plusieurs points du "régime général". Sans aller dans les détails de la nouvelle réglementation, nous soulignons néanmoins qu'il vaut très probablement la peine pour une entreprise de déterminer si elle s'expose potentiellement à un risque de responsabilité solidaire sur la base du régime général ou sur la base de la nouvelle réglementation, car les possibilités pour éviter cette responsabilité diffèrent dans les deux cas.
Sanctions
Le projet de loi insère une nouvelle section dans le Code Pénal Social sur l'exécution transfrontalière de sanctions et amendes administratives pécuniaires. En outre, une série de nouvelles infractions en lien avec les nouvelles obligations prévues dans le projet de loi sont introduites dans le Code Pénal Social.
Conclusion
Le projet de loi introduit de nouvelles dispositions qui permettront à l'inspection sociale de contrôler de manière plus efficace le respect des règles sur le détachement des travailleurs. Les entreprises qui font appel à des travailleurs détachés font bien de (faire) vérifier si ce détachement a lieu dans le respect de toutes les règles applicables, existantes et nouvelles.