Le paysage ferroviaire belge complètement redessiné en 2014

Spotlight
31 janvier 2014

Le rail métamorphosé sur toute la ligne au premier janvier 2014 suite à l'entrée en vigueur de la réforme des structures du Groupe SNCB, d'une part et, du Code ferroviaire, d'autre part.

Le premier janvier 2014 est une date qui marquera le rail belge. Tout d'abord, c'est à cette date qu'une réforme fondamentale des structures de l'ancien groupe SNCB signe la fin de la structure tripartite, contestée, et le commencement du "modèle à deux" dans lequel l'entreprise ferroviaire (la SNCB) et le gestionnaire de l'infrastructure (Infrabel) ne font plus partie d'une structure en holding (infra, 1). En même temps, le nouveau Code ferroviaire, qui codifie la réglementation de base du secteur ferroviaire, est entré en vigueur (infra, 2).

Le nouveau droit du secteur ferroviaire a déjà été coordonné et regroupé dans un Code thématique qui paraîtra bientôt.

1.     Réforme des structures de l'ancien Groupe-SCNB

La SNCB historique a connu plusieurs réformes au cours des dernières décennies. Sous l'impulsion du droit européen, la SNCB unitaire avait été transformée le premier janvier 2005 en une structure de groupe composée de trois entreprises publiques autonomes: la SNCB Holding, la SNCB et Infrabel. Cette structure ayant montré ses faiblesses et ses limites, le gouvernement Di Rupo s'était fixé comme objectif de la faire évoluer en la simplifiant.

Ainsi, la loi du 30 août 2013 relative à la réforme des chemins de fer belges a été adoptée. Cette loi établit les principes directeurs de la réforme dont l'objectif est d'évoluer vers une structure constituée de deux entreprises publiques autonomes, l'opérateur ferroviaire et le gestionnaire de l'infrastructure, dont les actions seraient directement détenues par l'Etat belge. La loi prévoit également la création d'une filiale commune, dénommée "HR Rail", sous la forme d'une société anonyme de droit public qui sera l'employeur de l'ensemble du personnel et le mettra à disposition de la SNCB et d'Infrabel.

La Belgique poursuit ainsi la direction dans laquelle le droit ferroviaire européen évolue, même s'il existe encore aujourd'hui, aussi au niveau européen, des discussions intenses à cet égard.

Dans ce nouveau modèle à deux, la SNCB constituera le point de contact premier pour ses voyageurs ("B2C"), alors qu'Infrabel se concentrera sur sa mission essentielle de gestion et de mise à disposition de l'infrastructure aux entreprises ferroviaires ("B2B"). L'objectif est de clarifier le partage des rôles et responsabilités entre chaque entité afin de renforcer, notamment, la ponctualité et l'orientation client. Les missions d'accueil et d'information à sa clientèle sont d'ailleurs à présent intégrées dans l'objet social et les missions de service public de la (nouvelle) SNCB.

Suivant un procédé devenu classique en matière d'opérations de structures des entreprises publiques, la loi se limite à poser le cadre général et habilite, pour le surplus, le pouvoir exécutif à la mise en œuvre concrète de la réforme, par des arrêtés royaux ayant force de loi. Conformément aux pouvoirs octroyés, les mesures nécessaires ont été adoptées au cours des mois de novembre et de décembre 2013. 

Un premier volet de cette mise en œuvre se compose de deux "arrêtés structures" ayant force de loi qui, d'une part, ont autorisé les sociétés à procéder aux opérations de restructuration nécessaires pour passer à une structure bipartite et, d'autre part, ont adapté le cadre législatif à la nouvelle structure, principalement par le biais de la modification de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques. Il s'agit, respectivement, de l'arrêté royal du 7 novembre 2013 portant réforme des structures de la SNCB Holding, Infrabel et la SNCB (1) et de l'arrêté royal du 11 décembre 2013 portant réforme des structures de la SNCB Holding, Infrabel et la SNCB (2). Sur la base du premier arrêté, les organes compétents des sociétés ont décidé, dans le courant des mois de novembre et de décembre 2013, de réaliser une fusion entre la SNCB Holding et la SNCB et une scission partielle de la SNCB Holding vers Infrabel, le tout avec une entrée en vigueur au premier janvier 2014. En conséquence du deuxième arrêté, la loi du 21 mars 1991 précitée ne contient plus que le titre relatif à la (nouvelle) SNCB et à Infrabel depuis le premier janvier 2014. Dès lors que la SNCB Holding était la société absorbante dans la fusion, le titre de la SNCB Holding a été maintenu et adapté au changement de dénomination de la SNCB. Force est toutefois de constater que, bien que la réforme envisage une séparation nette des structures juridiques de la SNCB et d'Infrabel en supprimant notamment la construction en holding, de nombreux mécanismes ont été instaurés pour faciliter la collaboration des deux entreprises conformément à leur objet social et à leurs missions de services publics, tels qu'ils ont été redéfinis dans la loi du 21 mars 1991 précitée. Il s'agit entre autres de la convention de transport, l'accord de coopération en matière de sécurité et les mécanismes de servitude légale entre les deux sociétés.

Un second volet porte sur le personnel et se compose de l'arrêté royal du 11 décembre 2013 relatif au personnel des Chemins de fer belges. Cet arrêté règle la constitution de HR Rail, le nouvel employeur de l'ensemble du personnel de la SNCB et d'Infrabel suite à la reprise par HR Rail du personnel et des activités de l'ancienne SNCB Holding en matière de ressources humaines. Il fixe son statut organique ainsi que les règles applicables à partir du premier janvier 2014 en matière de statut du personnel, de sa de mise à disposition, etc. A cette fin, un nouveau livre est introduit dans la loi du 23 juillet 1926 – la loi organique "historique" de la SNCB – qui est ainsi "revitalisée". HR Rail assurera également l'organisation et la gestion du dialogue social, qui restera caractérisé par une unicité au niveau des trois sociétés confondues, sous l'empire de la Commission paritaire nationale.

Un troisième volet a exécuté un certain nombre de modifications de nature réglementaire, qui ont accompagné la réforme. Ces modifications ont eu lieu sur la base de trois arrêtés royaux (ayant force de loi) du 21 décembre 2013 qui modifient le Code ferroviaire, avant même qu'il ne soit entré en vigueur (voir infra,2). Il s'agit entre autres de l'élargissement des compétences du régulateur, de nouvelles garanties en matière d'accès non discriminatoire des entreprises ferroviaires à certaines installations de services dans les gares et du droit d'accès des entreprises ferroviaires au contrôle de la circulation ("traffic control") et à certains postes de signalisations d'Infrabel.

Outre ces six arrêtés ayant force de loi qui, pour le reste, doivent encore être confirmés par la loi, une série d'arrêtés royaux d'exécution vient compléter la réforme. Il s'agit entre autres de l'arrêté royal du 16 décembre 2013 qui établit les premiers statuts de HR Rail, de deux arrêtés royaux du 12 décembre 2013 portant transfert des actifs et des passifs (de la SNCB Holding à HR Rail d'une part et d'Infrabel à la nouvelle SNCB d'autre part) et de l'arrêté royal du 23 décembre 2013 qui fixe les règles provisoires qui valent comme contrat de gestion jusqu'à l'entrée en vigueur des nouveaux contrats de gestion de la SNCB et d'Infrabel.

L'interaction entre l'ensemble des lois et arrêtés précités et les décisions prises par les organes des sociétés concernées a conduit à l'entrée en vigueur de la réforme le premier janvier 2014.

2.     L'entrée en vigueur du Code ferroviaire

Sous l'impulsion du droit de l'Union européenne qui poursuit la création d'un espace ferroviaire unique européen, la réglementation ferroviaire belge s'est développée à un rythme effréné depuis 2001. Confronté à la nécessité de transposer successivement et à bref délai une série de paquets ferroviaires, le législateur belge n'a pas toujours été en mesure de faire œuvre de cohérence dans l'articulation des règles applicables au secteur ferroviaire belge. La multiplication de ces règles, qui continuent de surcroît à faire constamment l'objet de modifications, est à l'origine de l'aspect confus et peu lisible du cadre juridique en matière ferroviaire auquel la présente codification entend remédier.

Pour ce faire, la loi du 30 août 2013 portant le Code ferroviaire regroupe dans un texte unique la législation sectorielle antérieurement contenue dans la loi du 4 décembre 2006 relative à d'utilisation de l'infrastructure ferroviaire, la loi du 19 décembre 2006 relative à la sécurité d'exploitation ferroviaire et la loi du 26 janvier 2010 relative à l'interopérabilité du système ferroviaire au sein de la Communauté européenne.

L'objectif est de clarifier, reformuler, voire corriger les dispositions actuelles, maintes fois modifiées, dans le sens d'une meilleure lisibilité et compréhension des textes ainsi que d'y apporter, dans la foulée, les modifications rendues nécessaires suite à l'apparition, notamment, de références croisées, d'erreurs purement matérielles ou de problèmes concrets lors de l'application des textes. Cette codification a également pour objet de parfaire la transposition de la législation ferroviaire européenne en droit belge.

Outre les adaptations de pure forme, certaines dispositions ont été substantiellement modifiées. Ces modifications concernent, entre autres, l'élargissement des missions de l'autorité de sécurité, l'extension des infractions susceptibles de faire l'objet d'une amende administrative et la transposition (très) partielle de la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen (l'article 3, 19°, et l'annexe 2 de la directive 2012/34/UE sont respectivement transposés à l'article 3, 11°, et à l'annexe 1 du Code ferroviaire). Des modifications ont d'ailleurs déjà été apportées au Code ferroviaire lui-même, avant même qu'il n'entre en vigueur. Ces modifications résultent des trois arrêtés royaux ayant force de loi du 21 décembre 2013, pris dans le cadre de la réforme du Groupe SNCB et décrits ci-dessus (supra, 1).
 
Si noble l'objectif de la codification soit-il, il n'en demeure pas moins qu'il est permis de s'interroger sur l'opportunité de procéder à une telle codification alors que court actuellement le délai laissé aux Etats membres pour transposer la directive 2012/34/UE. La transposition de cette directive "de refonte" en droit belge, pour le 16 juin 2015 au plus tard, implique que les textes devront à nouveau être modifiés prochainement. Se pose dès lors aussi la question de savoir pourquoi le législateur belge n'a pas profité de la présente codification pour procéder à cette transposition ou pourquoi, n'agissant pas de la sorte, il a néanmoins jugé bon de procéder à une transposition très partielle sur des points spécifiques.

En réalité, comme le précisait le secrétaire d'Etat à la mobilité à la Chambre, la logique qui sous-tend l'initiative de codification s'inscrit dans un processus en deux temps. En redonnant une cohérence et une lisibilité accrue au droit ferroviaire actuel, le Code ferroviaire devrait faciliter la transposition de la directive 2012/34/UE. Cette logique est par ailleurs analogue à la logique européenne qui sous-tend la refonte et le regroupement de plusieurs directives ferroviaires européennes dans la directive 2012/34/UE, afin de préparer la mise en œuvre du quatrième paquet ferroviaire.