Le secteur belge des REIT obtient le statut de "Société Immobilière Réglementée"

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15 juin 2014

La Loi du 12 mai relative aux Sociétés Immobilières Réglementées ("SIR") vise à permettre aux entreprises immobilières qui veulent opérer comme un REIT et qui répondent aux caractéristiques décrites dans la loi relative à la SIR, à accéder au statut de société immobilière réglementée. Ces règles sont en partie inspirées de celles qui régissent des REIT étrangers.


Considérations générales

Depuis 1995, l'investissement "public" dans l'immobilier est régi par la législation relative aux organismes de placement collectif ("OPC") et en particulier le régime des sicafi immobilières (loi relative aux OPC du 3 août 2012 et AR sicafi du 7 décembre 2010).

Dès l'entrée en vigueur de la loi transposant la directive AIFM (la loi AIFM), les sicafi seront, selon la Loi AIFMD et en raison de leur statut actuel d'OPC, considérées comme des "organismes de placement alternatifs"', et elles devraient alors satisfaire aux exigences juridiques supplémentaires régissant ces institutions. Il semble cependant que ce cadre supplémentaire en tant qu'organisme de placement alternatif, en ce qui concerne spécifiquement les sicafi, n'apporterait pas de réelle plus-value, et qu'un tel cadre juridique ne serait pas adapté à la réalité économique. Dans les pays limitrophes, les entreprises immobilières sont rarement exploitées sous forme de "fonds communs de placement", et elles ne seront donc pas nécessairement soumises à la législation AIFM. Il s'agit de régimes REIT aux caractéristiques spécifiques et avec une transparence fiscale similaire à celle des fonds communs de placement, comme par exemple la "société immobilière réglementée" ("SIIC") en France, ou le "Real Estate Investment Trust" (REIT) au Royaume-Uni ou en Allemagne. Avec l'introduction de la "Société Immobilière Réglementée", la Loi du 12 mai 2014 relative aux Sociétés Immobilières Réglementées (la "Loi SIR" ou la "Loi") vise la création d'un statut REIT spécifique également en Belgique, coexistant avec celui de la sicafi (dont le cadre réglementaire est maintenu). Avec l'introduction du statut SIR, les sicafi obtiennent la possibilité (moyennant le respect de certaines conditions) de passer à un statut qui est mieux adapté à la réalité économique, avec un cadre juridique adapté en lien avec les activités de ces entreprises immobilières opérationnelles et commerciales. Après l'approbation par le parlement le 24 avril 2014, la Loi SIR a été ratifiée et promulguée le 12 mai 2014. La Loi n'a pas encore été publiée.

La Loi SIR doit être lue en parallèle avec le texte de loi relatif à la transposition de la directive 2011/61/EU du Parlement européen et du Conseil du 8 juillet 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs (la "directive AIFM"). 


Caractéristiques de la SIR et différence avec la cadre légal existant applicable aux sicafi

La Société Immobilière Réglementée est définie dans la Loi par son activité, qui consiste à mettre – directement ou par le biais d'une société dans laquelle elle détient une participation – des immeubles à la disposition d'utilisateurs, et, éventuellement, dans les limites prévues à cet effet, à détenir d'autres types de "biens immobiliers" (actions dans des sicafi publiques, parts dans certains OPC immobiliers étrangers, actions émises par d'autres REIT et certificats immobiliers). La SIR peut dans ce cadre exercer toutes les activités liées à la construction, l'aménagement, la rénovation, le développement (pour son propre portefeuille), l'acquisition, la cession, la gestion et l'exploitation d'immeubles.

Son activité commerciale différencie la SIR d'une entité qui exerce une activité d'investissement consistant à lever des capitaux auprès d'investisseurs et de les investir en vue de générer un "pooled return" pour ces investisseurs, conformément à une politique d'investissement définie dans l'intérêt de ces investisseurs (en d'autres termes, les propriétés qui caractérisent les "organismes de placement alternatifs"). La SIR n'a pas de politique d'investissement fixée statutairement, mais développe par contre une stratégie de par laquelle ses activités peuvent s'étendre le long de toute la chaîne de production de valeur du secteur immobilier. Son activité sera donc plus large que la simple acquisition de biens immobiliers pour en percevoir les loyers et/ou de les revendre.

Cette stratégie vise par ailleurs en principe la détention d'immeubles à long terme. La SIR ne peut en aucun cas se livrer à du "trading immobilier".  

La Loi érige en principe général le fait que les activités sont exercées par la SIR elle-même, sans en confier la responsabilité à un tiers (autre qu'une société liée). Cela signifie que la SIR publique devra disposer d'équipes opérationnelles représentant une partie substantielle de son personnel. Ceci ne signifie évidemment pas que la SIR ne puisse pas faire appel à des fournisseurs externes, tels que des architectes, des entrepreneurs ou des avocats, et n'empêche pas non plus la sous-traitance de l'exécution des travaux: le property management (sic) dans son ensemble ne peut cependant pas être délégué. La responsabilité et la coordination de l'activité d'entreprise devront toutefois demeurer au sein de la SIR publique. La Loi détermine en outre que la SIR doit entretenir des relations directes avec ses clients et ses fournisseurs, ce qui n'est pour la plupart (voire toutes) des sicafi pas plus qu'une confirmation juridique de la réalité économique.

Compte tenu de leur importance pour l'économie réelle et pour l'épargne publique, les SIR seront soumises au contrôle prudentiel de la FSMA. Comme c'est le cas pour le moment pour les sicafi, des règles spécifiques seront imposées quant au taux maximal d'endettement  (toujours de 65%), la diversification des risques et le pay-out ratio, à l'instar des règles qui existent aussi pour les REIT dans les États membres voisins.

Voici quelques différences avec le régime actuel des sicafi:  

  • "Services immobiliers": les filiales constituées sous forme de "sociétés immobilières" d'une SIR publique (en d'autres termes pas les SIR institutionnelles) peuvent prester des services immobiliers au profit de tiers, mais à des conditions strictes (dont une limitation sur le résultat qui est généré par ces services immobiliers et l'ampleur des actifs gérés).
  • La Loi n'impose pas à la SIR d'agir dans "l'intérêt exclusif des actionnaires"  ("l'intérêt social" est prédominant).
  • La Loi n'impose pas que la SIR soit représentée par deux administrateurs dans tout "acte de disposition portant sur un bien immobilier".
  • La Loi n'impose pas (formellement) aux SIR de désigner une "personne chargée du service financier". 
  • Les administrateurs, les dirigeants effectifs et les responsables des fonctions de contrôle indépendantes ne peuvent être que des personnes physiques (il existe cependant un régime transitoire).


Procédure d'agrément – régime transitoire pour sicafi – droit de retrait

Toute société qui veut opérer sous le statut de SIR publique est tenue de solliciter un agrément auprès de la FSMA. A cet effet, un dossier d'agrément devra être introduit, dont le contenu sera déterminé par Arrêté Royal.

La Loi SIR contient certaines dispositions spécifiques pour les sicafi publiques qui opteraient pour le statut de SIR, tant en ce qui concerne la procédure que le timing.  

Le contenu du dossier d'agrément, qui doit être introduit auprès de la FSMA dans l'optique d'obtenir un agrément, devra être déterminé par Arrêté Royal, mais l'on suppose que le dossier devra au moins contenir un projet de modification des statuts ainsi qu'une justification que la société  satisfait (ou satisfera) aux critères visés à l'article 4 de la loi (à savoir les critères d'une SIR). Dans ce cadre, la société devra également octroyer l'attention nécessaire aux dispositions relatives au droit de retrait (cf. infra).  

L'approbation par l'Assemblée Générale de la modification de l'objet social (et donc l'approbation du changement de statut vers le statut de SIR) exige un quorum de présence de 50% des actions (ou, dans le cas où ce quorum n'est pas atteint lors de la première assemblée générale, la convocation d'une seconde assemblée générale) et la majorité de 80% des voix.

Dans l'hypothèse où l'assemblée générale de la sicafi publique approuverait la modification des statuts proposée, tout actionnaire ayant voté contre cette proposition pourra exercer un droit de retrait, au prix le plus élevé entre: (i) le cours de clôture de l'action au jour qui précède la publication de la convocation de l'assemblée générale extraordinaire (le cas échéant, la première), et (ii) la moyenne des cours de clôture des trente jours calendrier précédant la date de l'assemblée générale extraordinaire qui approuve la modification des statuts (le cas échéant, la deuxième assemblée générale extraordinaire). La sicafi publique peut subordonner ce changement de statut à la condition (à laquelle il peut être renoncé par après) que le nombre d'actions pour lequel le droit de retrait est exercé ne dépasse pas un certain pourcentage du capital qu'elle fixe. 

La possibilité de retrait est soumise à certaines conditions très strictes:

  • Le droit doit être exercé au cours de l'AGE qui approuve la modification des statuts proposée, et immédiatement après cette approbation;
  • Le droit de retrait est limité à 100.000 EUR par actionnaire;
  • Seules les actions avec lesquelles il aura été voté contre les propositions pourront faire l'objet du droit de retrait;
  • Seules les actions dont l'actionnaire sera resté propriétaire de façon ininterrompue depuis le trentième jour précédant la (première) assemblée générale, jusqu'à l'issue de la (le cas échéant, deuxième) assemblée générale approuvant la modification des statuts, pourront faire l'objet du droit de retrait.

En vue d'exécuter (le cas échéant) le droit de retrait, la Société devra racheter ses propres actions (dans le respect des conditions de l'article 620 et suivants  du C.soc.), ou laisser un tiers acheter ces actions. Si l'achat d'actions propres devait aboutir à une violation de l'article 620 du C.soc., il ne pourra pas se réaliser.

La Loi SIR prévoit que la publication des communiqués ou des documents relatifs au retrait ne constitue pas en soi une offre publique au sens de la loi Prospectus, ni  une offre publique d'acquisition au sens de de la loi relative aux offre publique d'acquisition, étant toutefois entendu qu'en cas de dépassement du seuil de 30%, l'obligation de lancer une offre publique d'acquisition naît (en principe).

Sur base d'un amendement au projet de loi SIR déposé le 28 mars 2014 et concernant l'article 509 du projet de loi AIFM, une incohérence juridique est évitée pour les sicafi qui ne pourraient obtenir le statut de SIR qu'après le 22 juin 2014 (c'est-à-dire la date ultime prévue par la Loi AIFM pour effectuer une demande d'agrément en tant qu'organisme de placement collectif alternatif). Les sicafi qui demandent leur agrément en qualité de SIR (et qui doivent à cet effet demander leur agrément dans les quatre mois de l'entrée en vigueur de la loi SIR) resteront soumises à la loi relative aux OPC et à l'AR sicafi, et ce jusqu'à la date de leur agrément en qualité de SIR. Les sicafi qui ne souhaitent pas opter pour le statut SIR resteront également soumises à la loi relative aux OPC et à l'AR sicafi, jusqu'à l'expiration du quatrième mois de l'entrée en vigueur de la loi SIR. A compter de la fin du quatrième mois de l'entrée en vigueur de la loi SIR, elles seront tenues d'introduire une demande d'agrément conformément à la Loi AIFM.    

L'agrément d'une sicafi publique en qualité de SIR publique entraînera de plein droit et simultanément l'agrément des sicafi institutionnelles qu'elle contrôle en qualité de SIR institutionnelles. L'organe de gestion de la sicafi institutionnelle agréée en qualité de SIR institutionnelle devra prendre les mesures nécessaires pour rendre les statuts conformes aux dispositions de la Loi SIR.


Principaux aspects fiscaux

L'Exposé des motifs énonce que l'objectif du législateur est de soumettre les SIR au même régime fiscal que les sicafi.

Tout comme les sicafi, les SIR ne seront imposables que sur les avantages anormaux ou bénévoles reçus ainsi que sur les dépenses et charges non déductibles à titre de frais professionnels, autres que des réductions de valeur et moins-values sur actions ou parts. Elles seront également soumises à la cotisation spéciale sur commissions secrètes, et elles ne pourront pas imputer à l'impôt des sociétés, le précompte mobilier retenu à la source sur les dividendes qu'elles auront reçus.       

Les SIR seront également soumises au régime de l' "exit-tax" dès le moment de leur agrément. Les plus-values latentes sur les biens immobiliers seront alors imposées au taux de 16,995%. Les sicafi reconnues qui changent de statut et deviennent des SIR ne doivent pas repayer l'exit-tax. Tout le système est pensé comme un régime de "transparence fiscale" (partielle) où la société, après avoir payé l'exit-tax, ne devra plus payer d'impôt sur ses revenus immobiliers et sur les plus-values sur les biens immobiliers. Seuls les investisseurs dans des SIR seront imposés sur les distributions qu'ils recevront (obligatoirement) et sur les plus-values sur actions qu'ils réaliseront.

Initialement, il était prévu que le régime existant en matière de précompte mobilier applicable aux sicafi soit intégralement d'application aux distributions de dividendes effectuées par les SIR. Au dernier moment, cette assimilation a toutefois été supprimée par un amendement du gouvernement, et le texte prévoit désormais que le Roi ne dispose pas (plus) de la compétence pour exempter les revenus d'actions de SIR (autres que les sociétés immobilières institutionnelles) du précompte mobilier. Les exemptions existantes qui ont été introduites par Arrêté Royal ne sont donc pas applicables intégralement. Dans la pratique, ce serait surtout une mauvaise nouvelle pour les investisseurs étrangers (épargnants non-résidents et les fonds de pension étrangers) qui subiront donc un précompte mobilier de 25%. Les investisseurs belges (sans compter les particuliers et certains autres investisseurs) peuvent en effet imputer le précompte mobilier sur l'impôt des sociétés dont ils sont redevables. L'exposé des motifs de la Loi SIR énonce également que l'exemption en matière de précompte mobilier pour épargnants non-résidents qui détiennent des actions d'une Sicafi sera également supprimée.                 


Entrée en vigueur et régime transitoire

La Loi SIR a été sanctionnée et promulguée le 12 mai 2014, et  entrera en vigueur à la date prévue par le Roi. La Loi n'a pas encore été publiée. L'AR SIR, qui est attendu en même temps que la publication de le Loi ou peu après, déterminera en d'autres termes la date de l'entrée en vigueur du statut SIR.