Sous l'impulsion des initiatives législatives européennes, fédérales et régionales et des évolutions du marché, le secteur de l'énergie continuera d'être en pleine mutation en 2024. Dans ce bref aperçu, nous examinons huit développements (juridiques) clés qui contribueront à façonner la poursuite de la transformation vers un réseau énergétique durable.
Transposition de la deuxième directive sur les énergies renouvelables
Une importante mise à jour de la deuxième directive sur les énergies renouvelables (UE)2018/2001 est entrée en vigueur le 20 novembre 2023. Il s'agit notamment de l'introduction de plusieurs assouplissements procéduraux et substantiels concernant le cadre de permis des installations d'énergie renouvelable. En simplifiant les procédures, le législateur européen espère accélérer le déploiement des énergies renouvelables. L'un des moyens d'y parvenir est de plafonner les délais de traitement de certaines autorisations relatives à des projets d'énergie renouvelable, de sorte qu'une décision finale et exécutoire puisse être obtenue plus rapidement. En outre, plusieurs présomptions légales sont également introduites, ce qui devrait faciliter l'octroi d'un permis conforme à la législation européenne en matière de protection de la nature (comme les directives « Habitats » et « Oiseaux »).
Cette mise à jour de la directive sur les énergies renouvelables doit être transposée en droit national pour le 1er juillet 2024. Pour les législateurs et les autorités chargées de délivrer les autorisations, le temps presse. En même temps, bon nombre des changements ont déjà été mis en œuvre par les instruments adoptés par le Conseil européen en réponse à la crise énergétique. Par exemple, depuis la fin décembre 2022, le Règlement (UE)2022/2577 du Conseil « établissant un cadre en vue d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables » revêt une grande importance. Il a également été décidé récemment de prolonger la période d'application de ce Règlement jusqu'au 30 juin 2025.
Expansion de l'énergie éolienne en mer dans la zone Princesse Elisabeth
En 2021, le gouvernement fédéral a pris la décision de réaliser 5,4 à 5,8 gigawatt d'énergie éolienne offshore d'ici 2030 grâce au développement de la zone Princess Elisabeth. Ce faisant, un nouveau cadre juridique vise à minimiser les coûts sociaux de cette expansion, y compris une procédure d'appel d'offres, la création de parcelles plus grandes et la réalisation d'études préliminaires par la Direction générale de l'énergie.
La publication du premier appel d'offres est prévue pour 2024 en vue d'une mise en service des nouvelles éoliennes à partir de 2029. Pour ce faire, plusieurs textes réglementaires doivent encore être mis en œuvre avant cette publication.
Ainsi, un arrêté ministériel déterminant les lots auxquels s’applique la concession domaniale est toujours attendue. A cet égard, le 23 septembre 2022, le gouvernement a conclu un accord de principe sur la division en trois lots avec une capacité installée maximale associée de 700, 1225 à 1400 et 1225 à 1400 mégawatt, respectivement.
Un arrêté royal devrait également être adopté pour déterminer les conditions et la procédure d'octroi des différentes licences. Là encore, le gouvernement est parvenu à un accord de principe le 28 avril 2023. Pour mettre en œuvre ces principes fondamentaux, une loi (modifiant et complétant les articles 6/3 et suivants de la loi électricité) a été adoptée le 19 décembre 2023. Cette loi prévoit notamment :
- un pourcentage minimum requis de participation des citoyens ;
- l'extension de la période de subvention maximale autorisée de 15 à 20 ans ;
- un cadre juridique pour le traitement et la gestion des données personnelles dans le contexte des appels d'offres ;
- un pouvoir de contrôle et de sanction pour le SPF Économie et la CREG ;
- des ajustements en termes de modalités de paiement (par le biais de "contrats bilatéraux pour la différence") et de flux de financement du régime de soutien ; et
- l'introduction d'une procédure de réévaluation en ce qui concerne l'imposition des bénéfices excédentaires.
Enfin, deux arrêtés royaux doivent encore être adoptés concernant l'extension du réseau de transmission offshore (le "Modular Offshore Grid" ou MOG). Un premier AR devrait fixer la date limite à laquelle chaque partie du MOG doit être en service. Un second AR élaborera un régime d'indemnisation au profit des concessionnaires de domaines concernés au cas où l'extension du MOG ne serait pas totalement ou partiellement en service à la date spécifiée, ou en cas d'indisponibilité totale ou partielle du MOG après sa mise en service.
Autres réseaux gaziers: Hydrogène et CO2
La loi fédérale sur l'hydrogène du 11 juillet 2023 continuera à être mise en œuvre en 2024. Selon toute vraisemblance, Fluxys Belgium sera désignée comme gestionnaire du réseau de transport d'hydrogène.
Fin décembre 2023, il a été annoncé que la Région flamande avait introduit un recours en annulation contre cette loi sur l'hydrogène devant la Cour constitutionnelle. Toutefois, il ne faut pas s'attendre à ce qu'un arrêt soit rendu avant le premier semestre de 2025. Entre-temps, la Flandre travaille également sur son propre décret relatif à la distribution d'hydrogène.
Malgré ce conflit de compétences, les législateurs européens sont parvenus à un accord final en décembre 2023 sur la nouvelle directive et le nouveau règlement qui fourniront le cadre pour l'hydrogène, le gaz naturel et les gaz renouvelables. En 2024, les gouvernements fédéral et régionaux devront déterminer si leurs initiatives respectives peuvent encore être conciliées avec cet accord.
En outre, le processus législatif relatif à un décret sur le transport du dioxyde de carbone (CO2) est en cours en Flandre. Ce décret introduit notamment les clusters locaux, les réseaux industriels fermés et le réseau de transport de CO2, pour lequel un ou plusieurs opérateurs seront également désignés. Les mesures d'exécution nécessaires sont également déjà en préparation. Ici aussi, 2024 promet d'être une année intéressante.
Réseaux d’énergie thermique
En 2023, la VREG a indiqué que 85 réseaux de chaleur actifs avaient été signalés en Région flamande. En outre, il semblerait que de très nombreux petits réseaux de chaleur soient en cours de construction, mais qu'ils ne soient pas (encore) déclarés.
Le terme « réseau de chaleur » prête parfois à confusion car, outre les grands réseaux de chaleur industriels et urbains, les sources centralisées au sein des immeubles à appartements sont également considérées comme des réseaux de chaleur par la réglementation flamande. En ce qui concerne ces derniers, on peut donc parler de réseaux de chaleur « autosuffisants », puisqu'ils ne dépendent en principe pas d'une source de chaleur externe (résiduelle). Il est donc difficile d'estimer le nombre de réseaux de chaleur actuellement en phase de financement, de conception et/ou de construction.
Dans notre pratique, nous constatons une augmentation substantielle de la construction et de l'exploitation de réseaux de chaleur industriels et de réseaux de chauffage urbain et de réseaux de chaleur « autosuffisants » (souvent avec un lien entre les deux). Les modèles d'énergie en tant que service (energy as a service – « EaaS ») sont également de plus en plus souvent mis en œuvre dans les projets immobiliers. Dans ce cas, une société de services énergétiques (« ESCO ») joue le rôle de producteur de chaleur, d'opérateur de réseau de chaleur et/ou de fournisseur de chaleur, en combinaison ou non avec d'autres services liés à l'énergie, tels que la construction et l'exploitation d'une infrastructure de recharge pour véhicules électriques.
Si l'on tient compte, par exemple, des restrictions légales concernant les nouveaux raccordements au gaz naturel et de l'espace limitée pour le développement de projets, la demande et les investissements dans les réseaux de chaleur (autosuffisants) ne feront qu'augmenter.
La construction, l'extension et l'exploitation des réseaux de chaleur continueront à poser des problèmes juridiques en 2024. En effet, les réglementations applicables ont été modifiées en profondeur ces dernières années (surtout en Flandre – on peut s'attendre à ce que la Wallonie rattrape son retard), ce qui met les modèles d'entreprise traditionnels sous pression. En outre, ces projets se caractérisent par des défis et des innovations techniques, la nécessité de relations contractuelles à long terme, une structuration souvent complexe du droit de propriété et la tension avec les règles réglementaires fondamentales relatives à la distribution d'électricité. Tous ces éléments donnent également lieu à diverses questions juridiques, pour lesquelles une structuration (juridique) opportune est cruciale. Outre les sources de chaleur déjà courantes telles que les centrales de cogénération, la géothermie, les pompes à chaleur, les panneaux solaires et les collecteurs solaires, nous prévoyons également une augmentation de l'utilisation des sources de chaleur semi-publiques telles que l'aquathermie et la riothermie.
Véhicules électriques et infrastructure de recharge
La réforme de la taxe automobile a entraîné une électrification très rapide du parc automobile belge. Cette tendance devrait se poursuivre en 2024.
Par conséquent, des investissements supplémentaires dans la construction et l'exploitation d'infrastructures de recharge devront inévitablement être réalisés en 2024, que ce soit sur les lieux de travail, au domicile des consommateurs ou le long des voies publiques. En Wallonie, il est nécessaire de rattraper un retard. En outre, la Région flamande doit, entre autres, tenir compte de l'obligation de fournir une infrastructure de recharge dans les nouveaux bâtiments et les rénovations importantes de bâtiments résidentiels et non résidentiels. Dans les projets immobiliers, des questions se posent de plus en plus concernant les réglementations applicables, le droit des affaires commun et la structuration contractuelle de ces projets. Ici aussi, nous constatons une augmentation des modèles EaaS où, par exemple, une ESCO exploite l'infrastructure de recharge et/ou s’occupe des préoccupations techniques et administratives dans les immeubles d'appartements, à faveur de l’ACP.
Consommation virtuelle d'électricité décentralisée
En 2024, nous nous attendons à plus de questions supplémentaires concernant les alternatives virtuelles à la distribution d’électricité. En avril 2023, la VREG a approuvé un protocole élaboré par Fluvius sur le partage d'énergie, l’échange de pair à pair de l'électricité verte et la vente d'électricité verte dans les immeubles d'appartements ou les bâtiments multifonctionnels. En pratique, cependant, l'application de ces alternatives virtuelles n'est pas simple. La base juridique pose des problèmes d'interprétation et les utilisateurs ne semblent pas suffisamment conscients du fait que les coûts autres que la composante énergétique, tels que les tarifs de réseau et les prélèvements, restent à payer.
Des questions subsistent également sur les communautés d'énergie citoyenne et les communautés d'énergie renouvelable, chacune ayant ses propres règles du jeu. Selon le cadre flamand actuel, les communautés d'énergie devraient offrir une plateforme aux consommateurs et aux entreprises afin d'investir conjointement dans des solutions énergétiques durables, telles que les panneaux solaires et les stations de recharge. À ce jour, 80 communautés énergétiques ont déjà été déclarées à la VREG, mais il n'est pas certain qu'elles constituent réellement des communautés énergétiques. En effet, il n'y a pas de vérification substantielle. Une récente analyse coûts-bénéfices commandée par la VREG conclut en outre que les activités collectives contribuent généralement peu à réduire les besoins d'investissement du gestionnaire de réseau. Ce n'est que dans certaines circonstances que les activités collectives présentent des avantages limités pour le réseau de distribution.
Energie nucléaire
Fin 2023, le gouvernement fédéral a conclu un accord avec le groupe énergétique français Engie sur la prolongation de l’exploitation des centrales nucléaires de Doel 4 et Tihange 3. Cette prolongation est considérée comme unique et absolument cruciale pour garantir davantage la sécurité d'approvisionnement en électricité de la Belgique au cours des 10 prochaines années. À cette fin, les projets législatifs nécessaires seront débattus au Parlement en 2024 et la Commission européenne devra donner son approbation à l'accord. L'accord garantira la sécurité de l'approvisionnement à court et à moyen terme. Toutefois, les défis en matière de sécurité de la production demeurent et de nouvelles initiatives sont attendues dans ce domaine également.
Travaux d'infrastructure
Les gestionnaires de réseaux sont confrontés à d'importants investissements pour moderniser leurs réseaux électriques et les adapter à la poursuite du déploiement d'unités de production décentralisées. En conséquence, le réseau électrique néerlandais connaît depuis un certain temps des problèmes de congestion, ce qui signifie qu'aucune capacité, ou seulement une capacité limitée, ne peut être offerte pour de nouvelles connexions ou pour l'extension des connexions existantes. Ce problème se manifeste maintenant discrètement en Belgique. C'est surtout en Flandre occidentale et dans le Hainaut que le réseau à haute tension s’approche des limites de capacité. En attendant les renforcements du réseau prévus, notamment dans le cadre des projets Ventilus et Boucle du Hainaut, Elia a commencé à proposer des raccordements flexibles temporaires en 2023, le gestionnaire de réseau conservant le droit de couper les raccordements aux heures de pointe. Entre 2024 et 2028, le gestionnaire de haute tension prévoit 9,4 milliards d'euros d'investissements en Belgique.
En 2024 également, notre équipe Énergie est prête à assister ses clients avec une approche multidisciplinaire dans les domaines susmentionnés ou dans d'autres domaines liés à la poursuite de la transformation du secteur de l'énergie.