Les administrations communales flamandes peuvent désormais contester la position des habitants qui ont introduit en leurs noms une action en cessation en matière d'environnement

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15 juin 2016

Le 28 avril 2016, dans son arrêt n° 60/2016, la Cour constitutionnelle s'est prononcée sur la manière dont les communes peuvent agir en justice dans le cadre d'une action dite "en cessation en matière d'environnement". La Cour a établi un principe important dans son arrêt. Elle a confirmé que, si un habitant a introduit lui-même une action (en cessation en matière d'environnement) au nom de la commune, l'administration communale peut encore agir en justice au nom de la commune pour contester le point de vue de l'habitant.

Le contexte est connu. Des associations environnementales, des autorités administratives (telle une commune) et le Procureur du Roi peuvent, sur la base de l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement, introduire une action en vue de faire cesser des actes constituant une violation manifeste ou une menace grave de violation de la législation relative à la protection de l'environnement.

L'article 194 du décret communal flamand du 15 juillet 2005 prévoit à son tour que si le collège des bourgmestre et échevins ou le conseil communal omet d'agir en droit, un ou plusieurs habitants peuvent agir en droit au nom de la commune. Ce droit est également ouvert aux personnes morales dont le siège social est établi dans la commune. L'habitant n'agit donc dans ce cas pas en son nom propre mais en tant que représentant de la commune. Il exerce à cet égard également un droit de la commune et défend un intérêt collectif. Le décret prévoit expressément que la commune ne peut accepter aucune transaction quant à la procédure lancée par l'habitant ou y renoncer sans l'accord de celui qui a lancé la procédure en son nom.

La combinaison des deux dispositions implique qu'un habitant peut introduire une action en cessation en matière environnementale au nom de la commune qui ne le fait pas elle-même. Il est fréquent que les habitants saisissent l'occasion d'introduire une action en justice au nom de la commune parce qu'ils considèrent que la commune reste à tort "inactive". Cette "inaction" peut naturellement être la conséquence d'une "omission" du conseil communal d'agir en justice contre une situation illégale, mais il est également possible qu'une commune ne soit pas intervenue parce qu'elle estime qu'il n'est pas question d'une situation illégale.

La Cour de Cassation a jugé que dans ce cas la commune perd la libre disposition du droit d'introduire une action. Le Conseil d'Etat a jugé, dans sa jurisprudence plus récente, suivie par le Conseil flamand pour les contestations de permis, que le collège des bourgmestre et échevins pouvait certes intervenir dans une procédure lancée par un habitant au nom de la commune mais alors uniquement pour appuyer, poursuivre ou reprendre la position défendue par l'habitant.

Suite au décret du 29 juin 2012 modifiant le Décret communal flamand, des critiques étaient d'ailleurs déjà formulées au sein du Parlement flamand concernant les situations auxquelles cette interprétation donnait lieu et qui, en pratique, réduisaient les administrations communales au "statut d'observateur", même lorsque l'enjeu de la procédure concernait des projets soutenus par leur politique.

Le tribunal de première instance d'Anvers s'est également demandé s'il était bien compatible avec la Constitution, lu ou non en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe général des droits de la défense, qu'un collège des bourgmestre et échevins puisse dans ce cas seulement agir pour soutenir la demande de l'habitant et non pour contester celle-ci.

Après que la Cour constitutionnelle avait décidé dans un arrêt 29/2011 du 24 février 2011 que le collège des bourgmestre et échevins peut en tout cas aussi désigner lui-même un conseil pour intervenir dans la procédure lancée par l'habitant, se posait alors la question pour la Cour de savoir si cet avocat pouvait aussi défendre un autre point de vue que celui de l'habitant.

Dans l'arrêt 60/2016 du 28 avril 2016, la Cour a estimé que l'objectif du législateur de donner la possibilité à un habitant d'agir au nom de la commune ne permet pas de justifier que le collège des bourgmestre et échevins ne peut pas contester l'action introduite en son nom par un habitant. L'omission de la commune d'agir elle-même en justice peut, comme le note la Cour, traduire un choix mûrement réfléchi. L'habitant qui a agi au nom de la commune et le collège des bourgmestre et échevins ont dans ce cas des intérêts divergents et l'impossibilité pour collège de contredire l'action de l'habitant pour défendre sa ou ses propre(s) décision(s) antérieure(s) constituerait une restriction disproportionnée de ses droits. Cela est selon la Cour d'autant plus le cas que la commune peut par la suite être confrontée à une demande de dommage et intérêts.

Il ressort également directement de l'arrêt de la Cour que le Décret communal flamand peut aussi (et donc devrait) être interprété d'une autre manière conforme à la Constitution, plus particulièrement en ce sens que le collège des bourgmestres et échevins peut effectivement contester le point de vue de ses habitants qui ont agi en justice au nom de la commune. Cette faculté ne porte pas atteinte aux droits de l'habitant qui agit au nom de la commune car le collège des bourgmestre et échevins n'a pas non plus dans ce cas le pouvoir de mettre fin à la procédure (par une transaction ou une renonciation à la procédure). Le juge devra donc le cas échéant considérer lequel des deux représentants de la commune a raison ou non: l'habitant ou le collège des bourgmestre et échevins.