Modernisation du droit des sociétés et renforcement du gouvernement d'entreprise – nouvelles initiatives législatives de la Commission européenne

Spotlight
15 juin 2014

La Commission européenne a récemment adopté une recommandation et présenté deux nouvelles propositions afin d'harmoniser davantage le droit européen des sociétés et d'améliorer le gouvernement d'entreprise des sociétés européennes cotées en bourse : une Recommandation de la Commission sur la qualité de l'information sur la gouvernance d'entreprise, une Proposition de Directive relative à la promotion de l'engagement à long terme des actionnaires, et une Proposition de Directive relative aux sociétés unipersonnelles à responsabilité limitée.

Dans son Plan d'action de droit européen des sociétés et de gouvernance d'entreprise du 12 décembre 2012, la Commission européenne a identifié inter alea les lacunes suivantes de gouvernement d'entreprise :

  1. manque d'engagement à long terme des actionnaires,
  2. absence de transparence relative à l'identité des actionnaires et à la politique de vote des investisseurs institutionnels et des conseillers en vote ("proxy advisors"),
  3. l'encadrement complexe des opérations transfrontalières, et 
  4. la qualité insuffisante de l'information sur la gouvernance d'entreprise.

Afin de remédier à ces manquements, la Commission européenne a lancé le 9 avril 2014, les initiatives législatives suivantes :


Recommandation de la Commission sur la qualité de l'information sur la gouvernance d'entreprise ("appliquer ou expliquer")

La Commission est d'avis que les explications fournies par les sociétés conformément à la règle "appliquer ou expliquer" sont souvent insuffisantes. C'est la raison pour laquelle elle a adopté une recommandation offrant quelques orientations aux Etats membres, aux organismes chargés des codes nationaux de gouvernement d'entreprise et aux sociétés dans le but d'améliorer la qualité de l'information sur la gouvernance d'entreprise. Par exemple, une entreprise devrait décrire d'une façon suffisamment claire, précise et compréhensible, la raison pour laquelle elle a dérogé à une recommandation spécifique, ainsi que les mesures qu'elle a prises afin d'atteindre l'objectif sous-jacent de la recommandation dont elle a dérogé.

Proposition d'une Directive modificative en vue de promouvoir l'engagement à long terme des actionnaires et concernant certains éléments de la déclaration sur la gouvernance d'entreprise

Partant de la constatation que plus de 60% des actionnaires minoritaires de sociétés cotées en bourse (souvent des investisseurs institutionnels) ne participent pas au processus de prise de décision lors des assemblées générales, la Commission propose essentiellement les mesures suivantes afin de promouvoir l'engagement à long terme des actionnaires :

  • "Say on pay"
    Les sociétés cotées en bourse doivent établir une politique de rémunération et un rapport annuel sur la rémunération, mentionnant entre autres la rémunération individuelle des administrateurs et la relation entre la rémunération moyenne des administrateurs et celle des salariés à temps plein de la société. La politique de rémunération (au moins tous les trois ans) et le rapport sur la rémunération (chaque année) seront soumis au vote des actionnaires.
  • Identification des actionnaires
    A la demande de la société, l'intermédiaire doit communiquer sans délai indu à la société le nom et les cordonnées de ses clients-actionnaires. Ces informations ne peuvent être utilisées que pour faciliter l'exercice des droits de l'actionnaire.
  • Transparence des investisseurs institutionnels, des gestionnaires et des conseillers en vote
    Les investisseurs institutionnels (c'est-à-dire les entreprises qui exercent des activités d'assurance vie et les institutions de retraite professionnelle) doivent divulguer leur comportement de vote (pour chaque société), leur politique d'engagement d'actionnaires, ainsi que certains éléments des accords de gestion actifs. En outre, les conseillers en vote garantissent que leurs recommandations de vote sont précises et fiables et doivent publier, chaque année, certaines informations concernant l'élaboration de leurs recommandations de vote.
  • Approbation par les actionnaires des transactions avec des parties liées
    Les transactions avec des parties liées représentant plus de 5% des actifs de la société ou susceptibles d'avoir un impact significatif sur les bénéfices ou le chiffre d'affaires de la société seront soumises au vote des actionnaires en assemblée générale. Les transactions avec des parties liées représentant moins de 5% mais plus de 1% des actifs de la société seront annoncées publiquement, accompagnées d'un rapport rédigé par un tiers indépendant sur les conditions de la transaction.

Proposition d'une Directive relative aux sociétés unipersonnelles à responsabilité limitée

Afin de faciliter la constitution des sociétés transfrontalières et d'encourager l'entrepreneuriat, la Commission propose une nouvelle forme juridique nationale de société, la Societas Unius Personae ("SUP"), qui suivrait les mêmes règles dans tous les Etats membres. La SUP aurait comme caractéristique principale le fait qu'elle pourrait être établie facilement, sans nécessité d'aucune licence ou autorisation, en ligne, et sur base d'un modèle uniforme de statuts. En outre, la SUP serait dotée d'un capital d'au moins 1 EUR et n'émettrait qu'une seule action. Afin d'offrir une protection aux créanciers, la proposition introduit également un test de bilan et de solvabilité, qui limite le pouvoir de la SUP de procéder à des distributions à son actionnaire.

Les deux propositions seront soumises au Conseil Européen et au Parlement Européen pour examen et discussion.