Récemment, un projet de loi-programme a été publié sur le site Internet de La Chambre. Ce projet de loi comporte un certain nombre de modifications au régime fiscal applicable aux fonds d'investissement immobiliers spécialisés (FIIS/GVBF). Nous analysons la nouvelle imposition supplémentaire de 10% introduite pour les FIIS à partir du 1er janvier 2024.
Régime fiscal dérogatoire en échange d’une exit tax de 15%
Un FIIS bénéficie du même régime fiscal dérogatoire qu'une SIR et qu'une sicafi (level playing field), les revenus locatifs et les plus-values immobilières n'étant pas imposables. La base imposable d'une FIIS à l'impôt sur les sociétés est limitée aux avantages anormaux et bénévoles reçus et à certaines dépenses non admises (article 185bis CIR92). L'inconvénient est que les actionnaires d'un FIIS n'ont aucun droit (ou seulement un droit limité) à la déduction RDT et doivent donc payer l'impôt des sociétés sur les dividendes versés par le FIIS. C'est pourquoi, dans la pratique, ce régime est parfois qualifié de « transparence fiscale ».
Toutefois, le législateur n'a pas voulu perdre de base imposable et a prévu un « décompte » lors du passage du régime normal de l'impôt des sociétés à la « transparence fiscale ». Par conséquent, lorsqu'un FIIS est inscrit sur la liste auprès du SFP Finances, une exit tax de 15% est due sur les plus-values latentes et les réserves exonérées qui ont été accumulées au cours de la période précédant sa reconnaissance en tant que FIIS. Cette exit tax est également due lorsqu'un FIIS acquiert des biens immobiliers dans le cadre d'une restructuration d'entreprise (par exemple, une fusion par absorption d'une société immobilière ordinaire). Les plus-values réalisées à la suite d'un apport de biens immobiliers à un FIIS rémunéré exclusivement par des actions nouvelles sont également soumises à l'exit tax.
Imposition supplémentaire de 10% si moins de cinq ans de FIIS
L'accord budgétaire annonçait déjà une période de détention minimale pour les FIIS. Le projet de loi-programme inscrit désormais cette mesure dans un texte législatif. Plus précisément, il introduit une imposition distincte de 10% au titre de l'impôt des sociétés (soit la différence entre le taux normal de 25% et le taux de l’exit tax de 15%).
L'exposé des motifs précise que l'objectif du législateur est d'éviter qu'un FIIS, peu après son inscription sur la liste du SPF Finances, ne mette fin à cette inscription ou ne soit rapidement liquidé. En d'autres termes, l’imposition supplémentaire devrait empêcher qu'une plus-value immobilière soit réalisée avec une liquidation de l'impôt des sociétés au taux inférieur de l’exit tax de 15%.
La nouvelle taxe est due en plus de l’exit tax si un FIIS ne reste pas inscrit auprès du SPF Finances pendant au moins cinq ans après sa reconnaissance ou après une restructuration d'entreprise dans laquelle l’exit tax a été payée. En outre, une période de détention minimale de cinq ans est introduite pour les actionnaires qui ont payé l’exit tax sur les plus-values réalisées à l'occasion d'un apport à un FIIS. Si les actions obtenues en échange de l'apport ne sont pas détenues pendant une période d'au moins cinq ans, l’imposition supplémentaire de 10% sera due.
Ces nouvelles règles entreraient en vigueur le 1er janvier 2024 et s'appliqueraient dans les cas où la période de détention minimale ne serait pas respectée à partir du 1er janvier 2024, de sorte que les FIIS existantes sont également visées.
Une attention particulière dans la pratique
L'imposition supplémentaire constituera un point d’attention particulier dans la pratique, tant pour les FIIS existants que pour les nouveaux. Par exemple, si un FIIS (ou une SIR) acquiert les actions d'une société immobilière normalement imposée, après quoi la société immobilière est transformée en FIIS, une fusion post-acquisition (sans imposition supplémentaire) ne sera possible que cinq ans après l'inscription en tant que FIIS.
Les parties qui transfèrent des biens immobiliers à un FIIS devront également tenir compte de cette imposition supplémentaire à l'avenir. Par exemple, si des biens immobiliers sont transférés par scission partielle et que le FIIS acquéreur ne reste pas un FIIS pendant cinq ans, le cédant s'expose à une imposition supplémentaire de 10 % au titre de l'impôt des sociétés. Il est préférable de régler ce risque par voie contractuelle. Dans le cas d'un apport avec exit tax, la société apporteuse devra détenir les actions qu'elle acquiert en contrepartie de l'apport pendant au moins cinq ans pour éviter une imposition supplémentaire.
Conclusion
Bien que l'idée de base semble simple, l'introduction d’une imposition supplémentaire de 10% sur les FIIS soulève de nombreuses questions dans la pratique. Non seulement les FIIS devront surveiller cette imposition, mais les parties contractantes avec les FIIS devront également se méfier des implications pratiques de cette nouvelle imposition.