La Région wallonne a récemment été la première entité du pays à transposer de manière détaillée la Directive « Energie renouvelable ». La notion centrale que le décret wallon développe est celle de communauté d'énergie renouvelable, dont l'objet est de partager, via le réseau public de distribution ou de transport local, de l'électricité. A côté des règles relative à la communauté d'énergie renouvelable, le législateur a voulu clarifier et assouplir les conditions d'octroi d'autorisation de lignes directes.
Mise en contexte
Au Moniteur belge a récemment été publié un décret du Parlement wallon visant à introduire le concept de communauté d'énergie renouvelable en droit wallon. Le législateur décrétal wallon est ainsi le premier législateur en Belgique à transposer en droit interne de manière détaillée la Directive « Energie renouvelable » (directive (UE) 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables – voy. Eubelius Spotlights mars 2019).
Concrètement, la directive comprend plusieurs volets, qui visent à définir un cadre commun pour la promotion d'énergie à partir de sources renouvelables (article 1 de la Directive). Parmi d'autres instruments, la Directive s'appuie sur le droit à l'autoconsommation d'énergie renouvelable et sur le concept de « communauté d'énergie renouvelable ».
La Directive prévoit une série de règles favorisant le bon fonctionnement du droit à l'autoconsommation d'énergie renouvelable et des communautés d'énergie renouvelable, règles que le législateur décrétal a transposées par le décret du 2 mai 2019 (MB 13 septembre 2019).
Le Parlement wallon a aussi profité de l'occasion pour clarifier les règles applicables en matière de lignes directes et, dans une certaine mesure, les a assouplies.
Définitions
Dans le décret sont définies les notions de « communauté d'énergie renouvelable », d'« électricité autoconsommée collectivement » et de « périmètre local ». Sans aller trop en détail sur le texte, il est important de reprendre les éléments constitutifs de ces différentes notions.
La communauté d'énergie renouvelable (ci-après « CER ») présente plusieurs caractéristiques :
- Son objet est de partager, via le réseau public de distribution ou de transport local, de l'électricité.
- L'électricité partagée au sein de la CER doit être exclusivement produite à partir de sources d'énergie renouvelables ou de cogénération de qualité, par des unités de production et, le cas échéant, de stockage, détenues par la CER.
- L'objectif premier de la CER est de fournir des avantages environnementaux, économiques ou sociaux à ses participants plutôt que de rechercher le profit.
- La CER opère au sein d'un « périmètre local ».
Le périmètre local est défini par référence à l'emplacement des points de raccordement :
- Les points de raccordement en prélèvement ou en injection sont situés en aval d'un ou plusieurs postes publics de transformation d'électricité de moyenne et/ou de basse tension.
- Les points de raccordement doivent se situer au sein d'un périmètre géographique mobilisant la portion techniquement, socialement, environnementalement et économiquement optimale du réseau en vue de favoriser l'autoconsommation collective locale d'électricité.
L'électricité autoconsommée collectivement est l'électricité produite par la communauté d'énergie renouvelable et consommée par ses participants au cours de la même période quart-horaire.
Règles relatives à la communauté d'énergie renouvelable
Le décret exonère la CER de disposer d'une licence de fourniture d'électricité pour l'électricité autoconsommée collectivement en son sein. Ceci diminue la charge administrative qui peut reposer sur la CER et promeut ainsi le développement des CER. Toutefois, ceci ne vaut que pour l'électricité autoconsommée collectivement en son sein. Ceci semble signifier que le législateur veut inciter les CER à ne pas produire de l'électricité pour la fournir en-dehors de la CER.
Le législateur décrétal a édicté les règles qui permettent le bon fonctionnement de la CER. Celles-ci concernent entre-autres les personnes qui sont autorisées à y participer (« toute personne physique, autorité locale ou petite et moyenne entreprise située dans un périmètre local peut participer à une communauté d'énergie renouvelable », les grandes entreprises étant dès lors exclues), la représentation de ses participants, les rapports entre la CER et ses participants, les statuts d'une CER, la possibilité de déléguer la gestion de la CER à une personne qui deviendra l'interlocuteur unique pour le gestionnaire de réseau.
En particulier, le décret prévoit que les participants à la CER concluent une convention avec la CER qui reprend les obligations et droits des participants vis-à-vis de la CER et inversement. Le législateur a laissé au Gouvernement le soin de préciser le contenu minimal de ladite convention, après avis de la CWaPE. Les participants à une CER bénéficient donc d'une certaine protection.
Quid du réseau public de distribution ?
La CER est une entité qui peut potentiellement porter atteinte à la sécurité du réseau public de distribution et aux intérêts économiques du gestionnaire de ce réseau. Dès lors, la création d'une CER est soumise à une procédure d'autorisation préalable délivrée par la CWaPE, avec avis technique et circonstancié du gestionnaire de réseau. C'est dans cette optique que le législateur a prévu que les seuils d'autoconsommation collective sont fixés par la CWaPE.
Le décret interdit au gestionnaire du réseau de distribution de détenir directement ou indirectement des participations dans le capital des CER. Le législateur a par l'entremise de cette précision voulu garantir l'existence autonome des CER vis-à-vis de ces gestionnaires.
De même, une série de dispositions vise à assurer que les gestionnaires favorisent le développement des CER dans des conditions transparentes et non-discriminatoires, tout en précisant que les gestionnaires analysent les volumes d'électricité distribués sur leur réseau. Une analyse trisannuelle technique des impacts des différentes opérations d'autoconsommation collective est opérée par chaque gestionnaire de réseau.
Une méthodologie est par ailleurs prévue pour que les services des gestionnaires de réseau pour les CER soient tarifés. Ceci vise à garantir que les participants à la CER ne soient pas des free-riders qui pourraient utiliser le réseau public de distribution sans y intervenir financièrement, et veille à ce qu'il y ait une contribution aux coûts globaux du réseau. Cette tarification doit toutefois, toujours selon le décret, permettre le développement des CER.
Enfin, les participants à la CER conservent les droits et obligations découlant de leur qualité d'utilisateur du réseau et sont traités de manière non-discriminatoire par rapport aux utilisateurs dudit réseau. Ceci est important, car ceci assure une protection suffisante de ces participants en cas de dysfonctionnement de la CER.
Modifications relatives aux lignes directes et aux réseaux fermés professionnels
Le décret comprend par ailleurs une série de règles relatives aux lignes directes et aux réseaux fermés professionnels. Parmi ces règles, la construction de lignes directes est facilitée (tout comme celles de conduites directes), puisqu'elle ne nécessite plus, pour le demandeur, d'avoir au préalable été confronté à un refus d'accès au réseau ou à l'absence d'une offre d'utilisation du réseau à des conditions économiques et techniques raisonnables. Ceci permettra sans aucun doute à la CWaPE de délivrer plus facilement des autorisations pour la construction de lignes et de conduites directes.
Le législateur a par ailleurs voulu éviter que les CER soient considérées comme des lignes directes ou des réseaux fermés professionnels, car les conditions d'autorisation de tels projets restent strictes. Pour que le développement de CER ne soit pas limité par ces conditions, le législateur décrétal a délégué la compétence au Gouvernement de préciser les situations ne correspondant pas à un réseau fermé professionnel ou à une ligne directe.